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lieu pendant l’anniversaire des trois glorieuses journées. Nous pleurerons donc le premier jour, le second nous commencerons à nous égayer et le troisième nous ne saurons vraiment plus qu’inventer pour exprimer notre joie.

Il y a déjà des échafaudages immenses sur l’ancienne place de la Bastille ; ce sont des tribunes, des je ne sais quoi encore ; cela a l’air d’une forteresse plutôt qu’autre chose, et si je devine bien, je crois que le Roi s’est informé si les poutres sont assez fortes pour résister au poids des personnes qui s’y placeront.


27 juillet. — Nous voilà à l’anniversaire des glorieuses journées.

Notre cousine est partie à quatre heures après-midi pour Saint-Germain et a fait faire ses excuses à la Reine de ne pouvoir assister au concert de la Cour. Après l’avoir mise en voiture, j’ai encore un peu travaillé pour le courrier. J’ai fait ensuite deux visites, une à Mme Sock, dame anglaise, et l’autre à Mme de Werther ; puis arriva l’heure du dîner, puis la promenade et les jeux au jardin jusqu’au moment de faire nos toilettes pour aller à la Cour. Les galeries et appartemens étaient déjà bien garnis lorsque nous sommes arrivés au Palais-Royal. Qu’on se figure notre étonnement lorsqu’on nous dit que Dom Pedro était arrivé à quatre heures, sans que personne l’attendit, qu’il dînait en ce moment au Palais-Royal et qu’il assisterait au concert. J’étais bien curieux de le voir, cet empereur déchu et qui nous arrive de l’autre monde.

Comme l’on s’était mis à table beaucoup plus tard qu’à l’ordinaire, Leurs Majestés n’étaient qu’à la seconde entrée du diner quand, déjà, les invités étaient depuis assez longtemps rassemblés dans les appartemens où le concert devait avoir lieu. Il faisait une chaleur étouffante. Pour respirer un peu, j’allai sur l’un des balcons avec les ministres des Pays-Bas et de Suède. De ce balcon, on a la vue dans la cour d’honneur où stationnaient les voitures et l’on voit en même temps par-dessus la terrasse dans les appartemens de la Reine ; c’est de là que je vis passer deux domestiques, chacun portant sur un plat un énorme biscuit de Savoie. Je courus vite à l’ambassadrice d’Angleterre pour l’inviter à passer sur mon balcon, mais elle avait si chaud, elle était tellement décolletée qu’en acceptant ma proposition, elle se serait exposée à prendre mal. Pour la même raison, ni la princesse