Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 15.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


23 juin. — De retour à Paris, je me suis hâté de rejoindre une petite société qui m’avait engagé à aller avec elle à l’Opéra à la première représentation du Philtre. C’étaient Mmes de Bellissen, de Narbonne, de La Châtaigneraie et MM. de Fourmont et de Balincourt. La salle de l’Opéra, nouvellement décorée, est la plus belle chose qu’on puisse voir. Elle est toute dorée, toute resplendissante, éclairée à jour. Le nouvel opéra ne m’a pas plu ; au reste, j’ai tant causé avec ces dames, que les beautés peuvent m’avoir échappé.

Après le spectacle, nous sommes allés chez Tortoni prendre des glaces, nous y avons rencontré le duc de Vallombrosa et le colonel Pozzo. Il était bien deux heures lorsque je me suis retrouvé dans ma chambre.

J’ai fait aujourd’hui, avec ces mêmes personnes, une partie au Bois de Boulogne ; nos deux messieurs nous y ont quittés un instant pour faire visite à Rothschild. J’ai mieux aimé rester avec ces dames et me promener avec elles. Mme de La Châtaigneraie m’a raconté qu’on avait découvert une nouvelle conspiration contre le roi Louis-Philippe ; elle doit être ourdie par le parti napoléoniste, avec la reine Hortense à la tête. Cette dame se trouve ici en ce moment, à ce qu’on prétend. L’intrigue étouffe donc même la douleur d’une mère qui vient de perdre son fils si tendrement aimé.

On m’assure avoir vu aujourd’hui à la Bourse des pièces de 5 francs avec le timbre de Henri V ayant pour légende : « Henri V, roi de France et de Navarre. »

Nous avons encore fini notre soirée chez Tortoni, dans la même salle ; mais à une autre table se trouvait une autre société. C’était le duc de Valençay, M. et Mme de Vaudreuil, Mme de Saint-Priest et M. de Bonneval. Je les ai salués ; mais je n’aurais jamais osé les approcher, de peur d’indisposer contre moi la coterie avec laquelle je me trouvais. La mienne était toute pour Henri V, et l’autre est tout à fait dans le mouvement.


27 juin. — Le nonce Lambruschini, à sa grande satisfaction, vient d’être rappelé. Ce digne prélat, depuis la Révolution, se trouvait entièrement dépaysé à Paris. Il ne pouvait se faire aux idées du jour et tout ce qu’il désirait le plus ardemment au monde, c’était de s’en aller. Plusieurs fois déjà, il avait demandé son rappel au Pape, sans que le Saint-Père eût exaucé ce vœu. Ne