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On lui reproche de n’avoir presque jamais traité que l’amour ; mais reproche-ton à l’Albane et au Titien d’avoir peint Vénus et les Grâces ? Le sujet une fois choisi, la question n’est plus que de savoir s’il est bien manié. L’antiquité n’a rien à mettre à côté des peintures que ce génie charmant a faites d’une passion si chère à tous les hommes et quelquefois si funeste.

II sut dire toujours ce qu’il faut dire et l’exprimer de la meilleure manière possible : voilà son grand art. Le génie seul y peut atteindre. Il fut le premier qui sut faire de suite quinze cents vers tous élégans. Trente ans auparavant on n’en savait pas faire une vingtaine, en quelque genre que ce pût être. La gloire de la poésie française fut alors à son comble, malgré quelques Français plus jaloux que savans qui étudient moins l’antique qu’ils ne négligent le moderne, et qui, plus ignorans dans leur langue, que savans dans le grec, veulent rabaisser un théâtre qu’ils ne connaissent pas, hommes étrangers dans leur patrie et ennemis des arts dont ils parlent.

Après les pièces de ce grand homme, nous en avons sept ou huit marquées au bon coin.

On s’étonne quelquefois qu’après Raphaël, il y ait eu tant de bons peintres, et après Corneille, si peu de bons poètes. C’est qu’en premier lieu il est plus aisé d’imiter ce qui dépend en grande partie de la main que ce qui dépend uniquement de l’esprit, et en second lieu le Corrège, qui imita bien Raphaël, fut tin grand peintre et qui ne ferait que bien imiter Corneille serait peu de chose.