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Deux choses lui donnèrent la vogue, premièrement, cet air de roman même, et, en second lieu, les persécutions que lui attirèrent les seules vérités qui étaient dans ses ouvrages.

On adopta le faux, et le vrai fut persécuté.

Pendant qu’en Italie l’Académie du Cimento...

Il s’en établit une à Londres vers l’an 1660 qui poussa les découvertes plus loin qu’on n’eût osé l’espérer.


Au commencement du XVIIe siècle, les Espagnols dominaient dans l’Europe par l’esprit comme par les armes ; leur théâtre, tout informe qu’il était, servait de modèle à ceux de l’Europe. Ils avaient de bons historiens, Mariana, jésuite, Antonio de Solis ; Balthazar Gracian, aussi jésuite, remplit ses ouvrages d’une morale profonde qu’ornait une grande imagination. Mais celui de leurs auteurs qui fut le plus à la mode et le plus du goût de toutes les nations fut Michel Cervantes ; l’auteur, aussi malheureux qu’il dépeint son héros, mourut, dit-on, dans la plus extrême misère en...

Je ne sais si son livre sera de tous les temps comme il fut en paraissant de toutes les nations. Il semble qu’il ait perdu un peu de son prix depuis que l’esprit de chevalerie et le goût de romans qui en traitaient sont disparus du monde. Ce grand attrait des lecteurs, le plaisir de voir tourné en ridicule ce qui est en vogue ne subsistant plus a laissé plus de liberté à l’esprit de considérer le vide qui se trouve dans beaucoup d’endroits de ce roman de Don Quichotte ; on s’est aperçu qu’il y a des endroits insipides, tels que l’histoire de Marcelle, que les vers qui y sont semés ne valent rien, qu’il y a des traits aussi bas qu’inutiles, que souvent les aventures ne sont point liées, que c’est un ouvrage qui ne fait point un tout ensemble, qu’enfin si le naturel, les bonnes plaisanteries, et le caractère des deux héros, d’autant plus plaisant qu’ils sont tous deux de bonne foi et qu’ils ne veulent jamais être plaisans ; si, dis-je, ces beautés donnent encore beaucoup de prix à cet ouvrage, il semble que les défauts dont je parle l’ont fait descendre de la première place où on le mettait.

La langue française était beaucoup plus difficile à polir et bien moins harmonieuse que l’italienne et l’espagnole. La manière dont on l’écrit, si différente de celle dont on la prononce,