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raison et de recherche qui se répandait en Europe. Harvey, Anglais, créa une anatomie toute nouvelle par sa découverte de la circulation du sang. Après lui, Azellius vit par quels conduits passent les alimens pour être convertis en chyle avant de l’être en sang, Péquet vit ensuite le petit réservoir du chyle ; ainsi fut connu le secret de la nutrition et de la vie animale ignoré depuis qu’il y avait des hommes.

Toutes ces vérités furent combattues dans leur naissance, et lorsqu’elles furent reconnues, on prétendit qu’elles n’étaient point nouvelles. Peu à peu, la chimie, qui n’était pas une science parce qu’on avait voulu trop savoir, en devint une quand on n’opéra plus qu’avec méthode et par degrés.

Les mathématiques qui liaient ensemble toutes ces sciences faisaient de tous côtés un grand progrès.

Il est vrai que cette réformation universelle ne se fit d’abord que dans un petit nombre d’esprits et lentement. Il y avait encore, par exemple, peu de vrais chimistes et beaucoup d’alchimistes, peu d’astronomes et beaucoup d’astrologues. La faiblesse qu’avait eue Ticho-Brahé de croire à l’astrologie judiciaire lui fit plus de disciples que sa science. La mode de l’astrologie fut même si universelle que Gassendi et Cassini commencèrent par s’y attacher et cette superstition des philosophes n’est abolie que depuis quelques années.

... Il est difficile de dire si Descartes contribua plus en France qu’il ne nuisit au progrès de l’esprit humain.

Il appliqua le premier l’algèbre à la géométrie, il débrouilla l’optique et il raisonna en métaphysique avec une force et une clarté qui parurent nouvelles. Mais il s’égara et il égara pour un temps l’Europe, lorsqu’il s’écarta des deux seules routes qui peuvent mener au vrai, je veux dire la physique expérimentale et les mathématiques. Il se trompa dans tout ce qu’il imagina parce qu’il ne suivit que son imagination.

La métaphysique de Descartes fut fondée sur deux erreurs, les idées innées et la prétendue perception positive de l’infini ; sa physique sur plusieurs erreurs dont la plus grande est de dire : Donnez-moi de la matière et je fais un monde.

Il n’avait fait aucune expérience sur les quatre élémens, tant soumis depuis à nos recherches, et il en supposa trois, qui étaient comme le préambule d’un long roman privé de vraisemblance.