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on parle encore à Florence de la mascarade du triomphe de la Mort que le Roselli fit paraître, dans laquelle des tombeaux s’ouvraient aux sons d’une musique lugubre et il en sortait des figures de mort qui criaient dolor, pianto e penitenza...

... Pétrarque. Ses Canzonette, son meilleur ouvrage. Pour avoir aimé, il est connu de l’univers. S’il n’eût été que philosophe et théologien il serait ignoré. Son triomphe, celui du Tasse...

Du temps de Pétrarque et même de Dante la comédie était un peu cultivée en Italie. Il y avait même, outre les farces des mimes, des pièces assez régulières. On prétend que la Floriana fut faite avant l’an 1300, et il y a grande apparence qu’on jouait dès le XIIIe siècle des comédies assez décentes, puisque saint Thomas dans ses Questions dit qu’il faut bien distinguer les histrions qui sont sans bienséance d’avec ceux qui représentent des pièces où il est permis aux honnêtes gens d’assister. Ces dernières, dit-il, sont nécessaires à la douceur de la société. Les Italiens ont toujours pensé ainsi sur les spectacles. Ces premiers maîtres en Occident de la religion et de l’art d’écrire savaient très bien concilier ce qu’on doit aux autels et ce qu’on doit aux délassemens des hommes. Mais la comédie ne prit une forme régulière que vers l’an 1480. Le cardinal Bibiena fit cette fameuse comédie de la Calandra qui a servi longtemps de modèle aux pièces intriguées des Italiens et des Espagnols.

L’Italie en ce temps-là, mais surtout la Toscane faisaient renaître les beaux jours de la Grèce[1]. Le Ruccelaï, cousin de Léon X et de Clément VII, fit représenter en 1516 sa tragédie de Rosemonde à Florence devant Léon X. Il travaillait à sa Rosemonde dans le même temps que le Trissin faisait sa Sophonisbe. L’un et l’autre écrivaient en vers libres et imitaient scrupuleusement les Grecs. Ruccelaï disait que la rime avait été inventée par l’écho.


Tu sai pur, che l’imagin de la voce
Che risponde da sassi dove l’Echo alberga
Sempre nimica fu del nostro regno
E fu inventrice de le prime rime[2].

  1. Chap. 121 : « Rien ne rappelle davantage l’idée de l’ancienne Grèce... (le cardinal Bibiena avait fait revivre la comédie grecque, »
  2. Les Abeilles, vers 15 et sq. L’édition Mazzoni (Bologne, 1887) donne au second
    vers la leçon :
    Che risponde da i sassi ov’Eco alberga.