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propos : « Je parlerai ailleurs de l’empire de l’esprit qu’eurent les seuls Italiens dans tous les genres de science, de littérature et de beaux-arts. » Mais dès qu’il renonçait aux vues d’ensemble et s’astreignait à la chronologie, il n’avait plus de place pour ce brillant tableau : force lui fut de le morceler, et d’en répartir selon les époques des fragmens du reste fort abrégés, notamment dans les chapitres 82 et 121 de l’Essai sur les mœurs.

Correspondant par son format et son épaisseur, — in-folio couronne de 160 pages, — à la description du manuscrit « volé » par Longchamp, le manuscrit autographe du chapitre des arts se trouve aujourd’hui à Saint-Pétersbourg, parmi les papiers de Voltaire conservés dans sa propre bibliothèque. Achetée par l’impératrice Catherine II en 1780, cette bibliothèque fut transportée en Russie et rangée dans l’ordre même qu’elle occupait à Ferney par le secrétaire du grand homme : elle comprend près de 6 000 volumes, parmi lesquels une vingtaine de gros volumes manuscrits où se trouvent pêle-mêle les mémoires utilisés par Voltaire dans ses ouvrages historiques, de nombreuses notes et remarques sur l’histoire, la religion, la philosophie, quelques manuscrits annotés de ses tragédies, le premier jet des chapitres 141 à 152 de l’Essai sur les mœurs, les minutes des lettres au roi de Prusse, enfin les dossiers des affaires la Barre et Lally, tous documens qui méritent une étude particulière. Nous n’ignorons pas qu’en matière d’art l’érudition de Voltaire n’est guère moins faible que touchant l’histoire du moyen âge ou les institutions de la Chine. Encore ne croyons-nous pas devoir laisser dans l’ombre cet important morceau. Il nous fait toucher en effet ce qu’était l’Essai sur les mœurs, avant que l’auteur n’ait voué quinze ans de sa vie, selon l’expression de Villemain, « à l’augmenter, à le remanier et à le gâter. »

FERNAND CAUSSY.


Depuis les inondations des barbares en Europe, on sait que les beaux arts furent ensevelis sous les ruines de l’empire d’Occident. Charlemagne voulut en vain les rétablir. L’esprit goth et vandale étouffèrent ce qu’il fit à peine revivre.

Les arts nécessaires furent toujours grossiers, et les arts agréables ignorés. L’architecture, par exemple, fut d’abord ce que nous appelons l’ancien gothique ; et le nouveau gothique, qui commença du temps de... n’a fait qu’ajouter des ornemens vicieux à un fond plus vicieux encore. La sculpture, la gravure étaient informes. Les étoffes précieuses n’étaient tissées qu’en Grèce et dans l’Asie Mineure. La peinture n’était guère en usage que pour couvrir de quelques couleurs des lambris