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Indes, les Normands au IXe siècle, l’état des empires d’Orient et d’Occident au IXe» siècle, de l’Europe au Xe siècle et de l’Espagne au XIIe siècle. « Les auteurs du Mercure retranchèrent pieusement tout ce qui regarde l’Église et les papes. » En réalité, ils semblent avoir supprimé certains chapitres, comme ceux de l’Origine de la puissance des papes et de la Religion du temps de Charlemagne, plutôt que mutilé en détail la prose de Voltaire. « Apparemment, dit-il, que ces examinateurs voulurent avoir des bénéfices en Cour de Rome. Pour moi, qui suis très content de mes bénéfices en Cour de Prusse, j’ai été un peu plus hardi. » En 1750, nouveaux fragmens dans le Mercure. Un libraire ne tarda pas à les recueillir et les joindre à une édition de Micromégas, que l’auteur désavoua, selon son habitude. Mais il en profita pour déclarer ce qu’il y avait de neuf dans son ouvrage : il s’était attaché à peindre les mœurs des hommes, plutôt que « les naissances, les mariages et les pompes funèbres des rois. » Et en effet, tel qu’on peut la lire dans cette édition, cette Histoire de l’esprit humain fait assez bien voir quel était à l’origine le dessein de Voltaire : une érudition sobre et désinvolte ; un exposé des faits, mais qui motivât seulement les sentimens de l’auteur sur les mœurs, les usages, les lois, les gouvernemens ; une histoire assez diligente de l’opinion, qui mène le monde ; et en regard celle des arts, des inventions, des découvertes, qui ont renouvelé la face de la terre ; quelques récits des guerres, compris dans le catalogue « des sottises du genre humain, » et ce qui n’allait pas sans hardiesse, à une époque tout ensanglantée par les prétentions des princes, une apologie continuelle des poètes, des savans, des navigateurs, et jusque des marchands, mis en parallèle avec les conquérans. L’ouvrage, en un mot, n’était qu’un petit brûlot, mais où soufflait à pleines voiles l’esprit de la « philosophie. »

Les morceaux de l’Essai sur les mœurs, publiés jusqu’à 1750, sont des morceaux authentiques, et, ce qui est rare avec Voltaire, reconnus par l’auteur. Ceux qui ont vu le jour par la suite ne sont probablement pas moins originaux ; mais ils sont disqualifiés par les insinuations, les réticences et les désaveux du grand homme.

En mai 1751, à Potsdam, Voltaire fut avisé, par Mme Denis, que son secrétaire valet de chambre Longchamp, resté à Paris avec elle pour la modérer dans ses dépenses, avait détourné tous ses papiers : justice, en était demandée par elle au lieutenant de police. Le poète aussitôt d’envoyer une annonce au Mercure : « Toute la partie qui regarde les arts depuis Charlemagne et celle de l’histoire publique depuis François Ier ont été perdues. Si quelqu’un est en possession de ce manuscrit, encore très imparfait et qui ne peut guère servir qu’à son auteur, il est prié très instamment de vouloir bien le lui remettre. » A quelques jours de là, Longchamp rendit les papiers à Mme Denis sans intervention