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la mesure de leurs expressions, il voit l’antithèse qu’il cherchait à l’art maniéré du rococo. Voilà donc sur quoi s’appuyer pour la réforme qu’il désire, qu’il appelle, qu’il va tenter. Il ne s’avise pas un instant que, si beaux qu’ils soient, ces marbres sont de la sculpture, et que c’est une réforme dans la peinture qu’il faudrait. Il oublie qu’il est un peintre : les Noces Aldobrandines, ou les peintures de vases grecs lui suffisent pour témoigner de la science picturale des anciens. De ce qu’ils ont produit une statuaire parfaite, il en conclut immédiatement que leur art tout entier est parfait et doit servir, en tout, de modèle au nôtre. Il a fait une observation juste : il la dévie immédiatement en une généralisation fausse. Il va en tirer une loi qui le perdra.

Malheur à l’homme qui, se trompant, a tout le monde pour complice : il ne s’apercevra jamais de son erreur. L’erreur de David était celle de son temps. D’Herculanum et de Pompéi exhumés à la lumière, les archéologues et les amateurs croyaient qu’allait sortir un art vivant, plus vivant que celui de Chardin et de Fragonard, l’art nouveau, l’art de l’avenir. Pourquoi l’aller chercher dans la Nature ? Le Beau idéal était là. « En convenant que l’étude de la nature est absolument indispensable aux artistes, disait Winckelmann, il faut convenir, aussi, que cette étude conduit à la perfection par une route plus ennuyeuse, plus longue et plus difficile que l’étude de l’antique. Les statues grecques offrent immédiatement aux yeux de l’artiste l’objet de ses recherches ; il y trouve réunis dans un foyer de lumière les différens rayons de beauté divisés et épars dans le vaste domaine de la nature. » Voilà le mot d’ordre de tout l’académisme. C’est la confusion éternelle entre l’artiste et l’amateur d’art. Il est tout à fait vrai que les belles œuvres d’art découvrent plus clairement à la foule des amateurs les beautés ou les caractères de la nature que la vue de la nature elle-même. Mais c’est, précisément, parce que tout l’art est de les découvrir, que la fonction propre de l’artiste est d’aller à la nature pour les en dégager. En l’envoyant consulter l’œuvre déjà faite au lieu de l’envoyer à l’objet même de l’œuvre, c’est-à-dire en envoyant le traducteur lire une traduction, au lieu de lui donner à lire l’original, on supprime tout simplement sa raison d’être. Voilà une première confusion. En voici une seconde.

Les Grecs ont fait des œuvres parfaites, impossibles à dépasser, — mais ce sont des œuvres de sculpture. Elles ne pourraient