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du maniérisme gracieux, des minois piquans, des sous-entendus galans, des Cupidons à fossettes, des devinettes sentimentales ou grivoises, des : « Pensent-ils à ce mouton ? » ou des « Cruches cassées, » las de la sensibilité pleurarde de Greuze, et de l’effronterie de Baudouin, de l’art-friandise en un mot. D’où, réaction contre les sujets. On était las, aussi, des figures envolées, projetées, ou dégringolées, en des postures risibles : des Escarpolettes et des Gimblettes, des amours joufflus et dodus, rebondis en l’air comme des ballons, des écharpes flottantes en arc-en-ciel, ou des linons gonflés en montgolfières, de tout ce qui se trémousse, se contourne ou se bistourne. D’où, réaction contre le mouvement. Las, enfin, de l’éclat artificiel des porcelaines peintes, des fleurs en papier, des chatoiemens de soies, de satins, de dentelles, du rose qui se lave dans du bleu, de ce bleu éternel qui recouvre tout chez les maîtres galans, las du blanc, las de la poudre... D’où, réaction contre la couleur. Par antithèse, on était donc enclin à rechercher un art où la ligne droite l’emporterait sur la ligne serpentine, le ton sévère sur les couleurs adoucies, le thème haut et moral sur le sujet plaisant On inclinait vers la simplicité, la sobriété, l’immobilité, l’impassibilité, la monochromie.

Ce besoin devait-il conduire nécessairement à l’art de David ? Non. La réforme aurait pu être tout aussi complète et plus complète encore sans revêtir les formes froides et conventionnelles que voici. Il eût suffi, pour cela, d’aller à la nature, sans passer par l’intermédiaire des Anciens, de reproduire les scènes, les gestes, les colorations de la rue, du tribunal révolutionnaire, des clubs. Il eût suffi d’aller demander, pour peindre, des conseils aux maîtres d’Amsterdam ou de Haarlem. La réforme eût été, sur tous les points où on la désirait, aussi radicale et beaucoup plus sur d’autres, en ce sens qu’elle eût porté aussi sur les sujets et qu’elle eût balayé toute la mythologie et l’histoire ancienne dont s’était embarrassé l’art du XVIIIe siècle. On peut se demander ce qui fût arrivé, si, au lieu de prendre, comme tous ses devanciers, le chemin de Rome, David eût, par quelque hasard, été conduit à Amsterdam. Mais il n’a été ni devant la Nature, ni chez les Hollandais : il a été en Italie.

Ce qui frappe le plus, en Italie, ce sont les marbres grecs. Il s’éprend, comme tout artiste, de leur perfection ; dans leur simplicité, leur calme, leur sobriété d’accessoires, la retenue et