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Toute la politique de l’Autriche repose, en effet, sur un accord entre les Slaves et les Germains, et une guerre générale entre les Slaves et les Germains serait la fin de la monarchie des Habsbourg. » Tout en faisant la part qui convient à ce qu’il y a d’excessif dans cette critique, reconnaissons qu’elle contient une part de vérité. L’équilibre intérieur de l’Autriche-Hongrie est compliqué, fragile, instable : le chancelier allemand a fait entrevoir à quelles épreuves il sera vraisemblablement soumis à la suite de le révolution balkanique. Au surplus, ces épreuves ne seront pas seulement pour l’Autriche. Les intérêts de toutes les nations de l’Europe sont si étroitement enchevêtrés qu’on ne peut guère toucher aux uns sans ébranler les autres. On s’explique donc que le gouvernement allemand ait trouvé dans l’état de l’Orient européen des raisons impérieuses de développer ses forces militaires. Le malheur est que, là aussi, tout se tient et que le développement des forces militaires de l’Allemagne nous oblige à procéder au développement corrélatif des nôtres. Le discours de M. de Bethmann-Hollweg rendra plus facile la tâche de notre propre gouvernement lorsque, dans quelques jours, il aura à défendre devant les Chambres le projet de loi sur le service de trois ans. Que d’argumens M. Barthou et M. Étienne pourront y puiser ! Ils diront, à leur tour, en toute sincérité, qu’ils ne mettent pas en doute les intentions pacifiques du gouvernement impérial, mais qu’en Allemagne comme ailleurs, plus qu’ailleurs, peut-être, une partie de l’opinion montre depuis quelque temps une agitation singulière et émet des exigences auxquelles on se croit obligé de faire des concessions. Ils diront surtout que le monde est troublé, inquiet, énervé et que, de l’aveu du chancelier allemand, de grands conflits se préparent peut-être, où nous pouvons être entraînés les uns après les autres, sinon tous à la fois. La diplomatie européenne a fait ce qu’elle a pu pour empêcher de se produire un premier déclenchement qui en aurait entraîné beaucoup d’autres ; elle y a réussi jusqu’à présent ; mais qui pourrait dire qu’elle y réussira toujours ?

Si la situation s’est améliorée depuis quinze jours, c’est de bien peu. À ce moment, une lueur plus favorable semblait éclairer l’horizon. « Après la chute d’Andrinople, a dit M. de Bethmann-Hollweg, on aurait pu admettre que la paix allait venir ; » mais il constate aussitôt que cette espérance ne s’est pas réalisée. Cela tient à deux causes principales : d’une part, les alliés balkaniques ont répondu aux propositions de l’Europe par des contre-propositions qui ont fait reculer la solution au lieu de la rapprocher ; de l’autre, le Monténégro, mis en demeure d’interrompre le siège de Scutari, s’est refusé à le faire et a