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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Le discours que vient de prononcer, devant le Reichstag, le chancelier de l’Empire allemand a produit, comme il était naturel, une vive impression partout en Europe, mais particulièrement en France et en Russie. M. de Bethmann-Hollweg, qui a l’art de dire beaucoup de choses en peu de mots, n’a pas dissimulé, en effet, que les nouveaux armemens de l’Allemagne avaient pour cause principale, d’une part, la recrudescence du sentiment slave provoqué par les victoires des alliés balkaniques et, de l’autre, le réveil chez nous de l’esprit « chauvin. » M. de Bethmann-Hollweg est un orateur froid, réfléchi, qui ne laisse rien aux hasards de l’improvisation, ne disant que ce qu’il s’est proposé de dire et le disant en termes mesurés. Il n’est pas sorti de ses habitudes dans son dernier discours, et si, à deux ou trois reprises, il y a mis des touches un peu fortes, il ne faut pas oublier que son but était de justifier la loi militaire la plus lourde que l’Allemagne ait jamais connue. Dès lors, comment aurait-il pu se dispenser de montrer, aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest, des dangers en formation ?

On s’est rendu compte en France de l’obligation qui s’imposait à lui et on y a accueilli son discours avec sang-froid. Nous en avons d’ailleurs entendu bien d’autres ! Il y a, pour les circonstances de ce genre, une rhétorique toute faite : M. de Bismarck en a fourni autrefois des modèles que tous ses successeurs ont suivis. Dans plusieurs passages de son discours, M. de Bethmann-Hollweg a rappelé formellement son illustre modèle et, dans les autres, il s'en est souvenu. Comme lui, il a affirmé que, si l’Allemagne s’armait jusqu’aux dents, c’était pour mieux assurer la paix et il a déclaré qu’elle n’attaquerait jamais la première. Il a invoqué une longue période de quarante ans et plus pendant laquelle l’Allemagne a prouvé en fait la sincérité de