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A cette éloquente définition de l’art du biographe succèdent, comme je l’ai dit, dans la lettre-préface adressée à M. Tenneroni, une série de souvenirs évoquant la douce vie du poète dans sa maison, dorénavant historique, de Settignano, — dont on sait que les admirateurs de M. d’Annunzio ont récemment voulu la lui rendre, cette fois pour toujours, au moyen d’une solennelle souscription nationale. Et je n’ai pas besoin de dire que, là encore, abondent les images pittoresques et les mélodieux tours de phrase. J’aurais aimé à pouvoir en extraire, notamment, les portraits de quelques-uns des voisins ou des compagnons de M. d’Annunzio, curieuses figures dessinées d’un trait légèrement ironique sous lequel se trahit une émotion très profonde. Mais tout cela, je le répète, ne se rattache que par un lien assez fragile à la biographie de Cola Rienzi ; et sans doute le lecteur français souhaitera-t-il, avant tout, d’apprendre ce qu’est au vrai cette biographie du fameux tribun célébré jadis par Pétrarque, chanté ensuite par le jeune Richard Wagner suivant la formule meyerbeerienne, et maintenant exhumé sous nos yeux par l’auteur du Feu et des Vierges aux Rockers à l’imitation de l’immortel portrait d’Érasme par Holbein.

Ce qu’est la nouvelle biographie de M. d’Annunzio, deux critiques éminens nous l’ont dit tout à l’heure, dans les « approbations » reproduites à la fin du volume. Ou plutôt, je dois avouer qu’il y a, dans l’une de ces vénérables « approbations, » un éloge dont il m’a été malaisé d’apprécier la justesse ; et c’est, à savoir, le passage de l’imprimatur du Frère Telesforo Cerusichi où nous lisons que, cette fois, « le très illustre maître, applaudi depuis longtemps par toute la république littéraire du monde entier, a uni à la douceur de sa parfaite langue toscane l’utilité de très nobles leçons. » J’ai eu beau relire, à ce point de vue, le récit que nous fait M. d’Annunzio des origines, du court triomphe, et de la fin lamentable de l’obscur notaire romain transformé tout d’un coup en un héritier de Sylla : je n’ai point réussi à découvrir cette « utilité de très nobles leçons » qui paraît avoir ravi le révérend consulteur du Saint-Office florentin, — à moins que Tonne veuille tenir pour un salutaire enseignement d’humilité chrétienne l’exemple d’un tel écroulement des ambitions d’un petit gratte-papier, fils d’un cabaretier et d’une porteuse d’eau.

Ou bien, peut-être, le révérend Fra Telesforo a-t-il su gré à M. d’Annunzio du mélange passionné de mépris et de haine avec lequel le nouveau biographe de Rienzi ne cesse point de traiter un personnage que l’on ne peut s’empêcher de considérer, d’autre part,