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une réponse, dans l’intention de l’auteur peut-être héroïque et même sainte, mais en réalité impie et sacrilège. A propos de cette marche, de son rythme, de son allure, quelqu’un n’a pas craint de rappeler Saint-Saëns, même Haendel. Un Saint-Saëns de barrière alors et un Haendel de café-chantant. Nous ne les connaissons pas.

Si nous avons insisté sur de telles pages, c’est qu’on y reconnaît les caractères principaux et, selon nous, déplorables, de la musique de M. Xavier Leroux, de son imagination, peut-on dire de son idéal ! Il y a dans le Carillonneur une scène encore, beaucoup moins antipathique sans doute, où nous aurions souhaité pourtant plus d’élévation et de noblesse, plus de poésie, et plus de musique même. Nous voulons parler de la scène du concours. Au drame lyrique, au drame symphonique, elle offrait un sujet également propice. L’occasion était belle ici d’animer ou de ranimer Bruges la Morte, et de la ranimer tout entière, de rendre non seulement aux êtres, mais aux choses, non seulement aux individus, à la foule, mais à l’histoire, aux monumens, aux maisons couleur de rose, à l’eau dormante des canaux, aux brumes de mousseline, cette vie mystérieuse, à la fois puissante et subtile, dont il n’est pas de plus merveilleux artisans que les sons. Ils n’en donnent ici qu’une ébauche sommaire, empâtée lourdement. L’orchestre, les chœurs procèdent par touches épaisses et massives. Le dialogue manque de naturel, de justesse et de légèreté. Bourgeois, artisans, tout ce peuple encore une fois n’est pas vivant. Plus d’un trait sans doute est indiqué, même appuyé ; mais la musique, loin d’élever le sujet, l’écrase. Il n’est pas dépourvu d’une grâce à dessein vieillotte et dolente, le thème carillonné par Joris, et la foule, et Godelieve se laissent gagner un moment par sa mélancolie. Mais ce que j’aurais voulu, c’est que lui-même il gagnât de proche en proche, qu’il montât par degrés ; c’est que la rêveuse et triste complainte peu à peu se changeât en hymne joyeux et vainqueur. La symphonie alors, la symphonie entière, instrumentale et vocale, eût résonné, retenti de lui seul ; il en eût été l’âme partout présente et vivante partout. Alors, dans le concert de tant de voix diverses, mais unanimes, la vieille cité flamande aurait pu trouver, se reconnaissant toute, et des souvenirs et des promesses ; alors, dans un finale vraiment symbolique, avec les regrets et les deuils de Bruges la Morte, les ambitions et les espoirs de Bruges la Vivante auraient chanté.

Une telle œuvre pourtant, oui, même telle, renferme çà et là quelques intentions, quelques velléités dignes d’indulgence, voire d’une certaine sympathie. On finit par les découvrir, à la lecture, en cherchant