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avait contradiction entre les deux idées et les deux termes d’élévation et de chute. M. Février montre un goût exagéré pour les conclusions de ce genre. Il abuse également des brusques antithèses, dont on est las, entre les forte et les piano, entre les élans soudains et les subites retenues. Banale encore, la composition d’un morceau comme l’air ou la cavatine (au second acte) du tendre Perillo. Tout se développe, tout se succède ici dans l’ordre invariable que réclament la situation et le sentiment, et qu’a réglé plus d’une fois, si je ne me trompe, le Massenet de Werther ou de Thérèse. Perillo, c’est un amoureux, un gentil fiancé, qui revient après une longue absence, le cœur battant de crainte et d’espoir. Épisodes, mouvemens, sentimens, rêverie et passion, phrase langoureuse et phrase ardente, contemplation devenant lyrisme et frénésie, tout arrive à son rang en cette cantilène ; tout, y compris — souvenir de la petite table de Manon et du clavecin de Werther — les meubles du logis retrouvé. Vous rappelez-vous, dans les Scènes de la vie bourgeoise, d’Henry Monnier, la maîtresse de piano qui dit à sa jeune élève : « Ne vous penchez pas ainsi au cantabile, c’est du charlatanisme. » Les chants de M. Février, surtout ses chants de mélancolie et d’amour, se penchent un peu trop de cette manière-là.

Cette manière, encore une fois, n’a rien que l’on puisse qualifier d’offensant, ou seulement de désagréable. Au contraire, elle flatterait plutôt certain goût, obscur et pas très noble, mêlé d’indulgence et d’ironie, que nous sentons parfois se réveiller au fond de nous-mêmes, pour les choses faciles, médiocres, pour ces formules, artistiques ou littéraires, qu’en un langage familier, mais expressif, on appelle « rengaines. » Il faut avouer que mainte page de Carmosine approche un peu trop de ce type ou de cet idéal subalterne. Aucun des élémens qu’il comporte ne manque au récit, que fait la jeune fille, avec accompagnement d’inéluctables cloches, de son rêve d’hyménée. Et surtout les trois ou quatre ariosos, éplorés autant que paternels, de Maître Bernard, peuvent passer pour des exemplaires accomplis du genre larmoyant, mais, si l’on ose ainsi parler, de ce genre-là retenant ses larmes. Le refrain : Dodo, l’enfant do, — traité naguère plus musicalement par M. Charpentier dans Louise (et puis c’était la première fois !) — sert de conclusion à l’une de ces trop nombreuses cantilènes. Une autre constate et maudit, toujours sur le mode pleureur, l’impuissance de la médecine à guérir les âmes. Une autre enfin, dans la note de Béranger ou de Nadaud, exprime les espoirs déçus, non plus d’un père seulement, mais d’un beau-père et d’un grand-père.