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auquel en tout cas elle ne s’attendait guère. « A ta place, lui dit Gabrielle, j’avouerais. J’avouerais Pontatuli. Un jour ou l’autre, Le Guenn découvrira Pontatuli ; il t’en voudra de le lui avoir caché ; ce sera mauvais pour votre ménage. Tandis que maintenant, au diapason où il est monté, tu ne risques rien. Il acceptera Pontatuli ; il acceptera tout ce que tu auras à lui faire accepter, et il te saura gré de ta franchise. Avoue Pontatuli ! » Henriette s’y refuse énergiquement. Nous songeons : cette Henriette, qui a dans son passé un gros péché et n’en avertit pas l’homme qui va lui donner son nom, n’est évidemment pas une personne de conscience très scrupuleuse. Elle peut invoquer à sa décharge des excuses telles quelles : il reste que c’est une personne de conscience moyenne. Elle fait pauvre figure auprès de Gabrielle. Ah ! celle-là ! Comment lui mesurer notre estime ? Également incapable de trahir une amie et de se faire la complaisante de cette amie, elle a la vraie bonté, la bonté sans faiblesse des consciences droites. Le conseil qu’elle a donné à Henriette est d’une crânerie presque virile. Cette honnête femme est un honnête homme.

Au second acte. Le Guenn a épousé Henriette. Nous ne doutons pas un seul instant qu’il doive, au cours de ce second acte, découvrir le secret de celle qui est maintenant Mme Le Guenn. Toute la question est de savoir comment se produira cette découverte. Or tout le monde se trouve réuni à Deauville chez une bonne dame qui a convié ensemble le ménage Jeannelot, le ménage Le Guenn et aussi Pontatuli. Avoir invité Pontatuli en même temps que le ménage Le Guenn, l’ancien amant avec le nouveau mari, c’est une de ces gaffes énormes qui n’ont d’explication, sinon d’excuse, que dans leur énormité même. Ce qui devait arriver, arrive : Le Guenn se sent attiré par une irrésistible sympathie vers Pontatuli ; Henriette, ainsi rapprochée par un inconvenant hasard, de l’homme qui l’a lâchement abandonnée, s’irrite et s’énerve ; encore une fois, elle a recours à Gabrielle et prie son amie de faire comprendre à ce goujat que sa présence sous ce toit hospitalier est un scandale. Mais Pontatuli ne veut pas s’en aller. Il résiste ; il s’obstine ; il demande, il exige un entretien avec Henriette. De cet entretien va jaillir la lumière, une lumière imprévue, qui éclaire de soudaines et aveuglantes clartés un abime de noirceurs...

Nous avons précédemment entendu Henriette elle-même rappeler à son amie comment et pourquoi elle a rompu avec Pontatuli. Informée que celui-ci était revenu à une ancienne maîtresse, elle lui a signifié son congé par une lettre méprisante et catégorique, qu’il a reçue au cours d’un voyage en Argentine. Eh bien ! cette histoire d’une