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à genoux devant lui et lui demanda sa bénédiction ; l’abbé accéda à son désir et le pressa avec émotion sur son cœur. Puis ils engagèrent une conversation qui se prolongea plus de deux heures et dont la teneur est demeurée secrète.»

Quelque conclusion qu’on veuille tirer de ce fait, il n’est pas contestable, le prince abbé l’ayant confirmé lui-même dans des mémoires sur la vie sacerdotale de son temps, publiés à Paris en 1835, et dans lesquels, après avoir résumé la première partie de sa conversation avec l’Empereur, il ajoute : « Il fut ensuite question de différens événemens que je ne saurais confier à la plume, les communications que Sa Majesté daigna me faire m’imposant un silence sacré sur ces objets. »

Faut-il induire des deux faits que nous venons de rappeler que l’empereur Alexandre était attiré vers le catholicisme ? Le grand-duc ne le croit pas et il appuie son opinion sur cet autre fait qu’Alexandre, durant son séjour à Vienne, eut deux entretiens avec le quaker anglais Allen : « Il n’y a rien de mystérieux en cela, dit-il, rien de plus qu’un entraînement de l’Empereur pour ce genre d’entretiens. » Il n’y aurait donc pas eu autre chose dans l’entrevue avec le prêtre catholique. C’est contre cette opinion que s’élève implicitement le P. Pierling en produisant de son côté des documens qui appuient la sienne. Ils confirment de la manière la plus positive les confidences qu’avait faites L’Escarenne au roi Charles-Albert et qui n’étaient que la reproduction de celles qu’il tenait du comte Michaud, devenu aide de camp d’Alexandre. Le récit est émouvant et on me saura gré de le résumer ici.

Nous sommes au mois de septembre 1825 : Alexandre se préparait à partir pour la Crimée où les médecins avaient prescrit à l’Impératrice de faire un long séjour, espérant que sa santé compromise s’y rétablirait. Résolu à s’y fixer auprès d’elle, il avait tenu à l’y précéder, afin d’y préparer son installation. Au moment de partir, il fait appeler le général Michaud dont il connaît les sentimens religieux ; il le charge de se rendre à Rome, de se mettre en rapports avec le Vatican, de demander une audience au pape Léon XII, et « de lui faire hommage de la parfaite soumission de l’empereur de Russie à son autorité spirituelle. »

Le comte Michaud partit sur-le-champ ; au mois de novembre suivant, il était à Rome. Le 5 décembre à midi il était reçu