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Et je reviens à vous, ardente et monastique,
Méditation, Archange audacieux,
Ville haute et sans borne, éparse et sans portique,
Où mon cœur violent a le pouvoir de Dieu !...


L’AMITIE


Mon ami, vous mourrez, votre pensive tête
Dispersera son feu,
Mais vous serez encor vivant comme vous êtes
Si je survis un peu.

Un autre cœur au vôtre a pris tant de lumière
Et de si beaux contours.
Que si ce n’est pas moi qui m’en vais la première
Je prolonge vos jours.

Le souffle de la vie entre deux cœurs peut être
Si dûment mélangé,
Que l’un peut demeurer et l’autre disparaître
Sans que rien soit changé ;

Le jour où l’un se lève et devant l’autre passe
Dans le noir paradis,
Vous ne serez plus jeune, et moi je serai lasse
D’avoir beaucoup senti ;

Je ne chercherai pas à retarder encore
L’instant de n’être plus ;
Ayant tout honoré, les couchans et l’aurore,
La mort aussi m’a plu.

Bien des fronts sont glacés qui doivent nous attendre,
Nous serons bien reçus ;
La terre sera moins pesante à mon corps tendre
Que quand j’étais dessus.