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Pourrai-je quand résonne, ô Printemps, ta cadence.
Ivre du seul orgueil et des seules pitiés,
Ecouter la secrète et chaste confidence
Qui va des soleils à mes pieds ?

O Douleur ! je comprends, arrêtez vos batailles :
Au travers de mes pleurs j’entrevois vos projets,
Un chaud pressentiment m’éblouit et m’assaille :
C’est dans ce feu que je plongeais I

Je sais, moi qui vous tiens, vous respire, vous touche.
Moi qui vis contre vous et qui bois votre vin
Dans un dur gobelet collé contre ma bouche,
Quel est votre dessein divin ;

Vous préparez la vie avec vos sombres armes.
Le corps que vous brisez rêve d’éternité,
Hélas ! les purs sanglots, les tremblemens, les larmes
Aspirent à la volupté !


LE MONDE INTERIEUR



Car l’exceptionnel voilà ta tâche.
NIETZSCHE.



Il est des jours encor, où, malgré la sagesse.
Malgré le vœu prudent de rétrécir mon cœur,
Je m’élance, l’esprit gonflé de hardiesse.
Dans l’attirant espace inondé de bonheur.

Je regarde au lointain les arbres, les verdures
Retenir le soleil ou le laisser couler,
Et former ces aspects de calme ou d’aventures
Qui bercent le désir sur un branchage ailé !

Mais quand je tente encor ces célestes conquêtes,
Cette ivre invasion dans le divin azur.
J’entends de toutes parts la Nature inquiète,
Me dire : « Tu n’as plus ton vol puissant et sûr.