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combat. Les mêmes avantages offerts aujourd’hui aux mêmes candidats seront mis au prix de plus grands efforts, puisque la loi proposée exigera d’eux d’abord deux années de commun service et qu’ils serviront ensuite une année entière dans le grade d’officier ; mais, là encore, la sévérité de l’épreuve assurera le résultat de la sélection et la correspondance exacte du cadre militaire avec le cadre social.

La lenteur même, la rigueur de cette préparation cesseront d’être senties si la vie militaire devient enfin ce qu’elle doit être : l’étude de la guerre, la préparation à la guerre, la connaissance exacte de la guerre dans toutes ses formes et sous tous ses aspects. Il faut se souvenir du mot de Bugeaud : « qu’il y a entre les armées d’Europe, occupées à leurs routines, et des armées vraiment prêtes à la guerre, la même différence qu’entre des enfans et des adultes. » Il faut laisser nos enfans grandir sous les armes. Il faut, aux troupes immobiles dans leurs garnisons, donner l’émancipation du mouvement et l’affranchissement de l’action ; multiplier pour elles les rassemblemens généraux, élargir les camps d’instruction. La leçon qu’elles y recevront sera d’autant plus féconde qu’étant françaises, elles ont, par instinct, le goût et le besoin de la discipline de guerre.

Qu’on nous les donne donc, ces troupes agissantes, toujours en haleine, toujours en tension ; qu’elles aient l’outillage qui leur manque et faute duquel elles ne ressemblent pas à notre pays ; qu’elles trouvent, dans l’adaptation de la technique aux fins militaires, l’extension et l’assouplissement d’un cadre devenu trop rigide pour absorber toutes nos forces dans le jeu de notre machine militaire et pour provoquer les affinités électives, en multipliant les fonctions ; que, par une pratique constante du terrain, des armes et des outils, elles exercent et fondent ensemble toutes les autorités, toutes les activités, toutes les bonnes volontés ; on reconnaîtra alors que l’armée est bien la nation en armes ; la guerre, la république en défense ; le combat, l’application la plus haute qui puisse être faite des principes de justice et de solidarité.

C’étaient là les perspectives morales que nos pères avaient vues s’ouvrir devant eux le jour où ils avaient décidé que tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie. « Qu’elle est belle, cette idée de la conscription ! s’écriait alors Mourer aux Cinq-Cents. Par elle, l’armée sera toujours dans la République