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dans le cas de perdre l’une après l’autre deux batailles, la première avec notre armée active et la seconde avec nos réserves.

La vérité est que le seul moyen possible de déjouer les calculs fondés par les Allemands sur la facilité plus grande de leur mobilisation est de leur opposer notre offensive, menée à notre heure et postérieurement à leur déploiement principal. Il nous faut pour cela une armée active de même espèce que la leur, et telle que, même après leurs nouveaux accroissemens, le rapport général de nos forces aux leurs reste le même qu’auparavant. Trois classes présentes à la fois peuvent seules nous les donner ; on retrouve donc ici, pour des motifs stratégiques, la même nécessité de modifier le régime du recrutement, rendue déjà manifeste pour des raisons d’instruction et d’organisation.


À ces argumens purement militaires, une objection de bon sens a été faite : c’est que trois ans de service au lieu de deux, la reprise en 1913 d’un fardeau déposé depuis 1905, sont des actes graves, et dont les effets peuvent n’être pas tous heureux. Que la volonté publique s’y décide trop tôt, sans avoir mesuré au juste tout ce qu’ils comportent de sacrifice, et demain la lassitude, la rétivité ensuite, finalement l’antimilitarisme, pourront défaire, dans l’ordre des forces morales, ce que le relèvement des effectifs aura fait dans l’ordre des forces matérielles.

Il y a là, en effet, un danger. Mais le remède au mal n’est pas loin. On le trouve dans le développement même que l’armée va recevoir, grâce à l’afflux de forces nouvelles et dans l’activité proprement militaire que va prendre la vie à l’intérieur des unités. Un état numérique plus fort permettra des manœuvres plus animées, un commandement plus efficace, une obéissance plus consciente. Une plus longue durée de service assurera une distribution meilleure des grades, en en augmentant le prix aux yeux des soldats et en provoquant ainsi l’émulation parmi eux. Dans ces conditions, aucune valeur d’homme ne sera perdue pour l’armée ; chacune, selon son poids spécifique, montera à sa place propre dans la hiérarchie. Déjà, sous le régime de la loi de 1905, la force ascensionnelle donnée aux jeunes gens d’une certaine catégorie sociale les faisait rapidement parvenir au grade d’officier de réserve ; on tirait ainsi du rang des soldats d’élite, dignes d’en commander d’autres au