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être tout à fait ainsi et que seules nos qualités de race viendront alors rétablir l’équilibre à notre profit.

Nos compagnies de guerre à 250 fusils mélangent entre eux des hommes de 21 à 26 ans, appartenant à six classes différentes, deux de l’armée active et quatre de la réserve. Derrière notre première ligne de bataille, des réservistes plus âgés entrent dans des formations de réserve qui figurent aussi dans le bilan des forces et dans le calcul des opérations. Ainsi, la charge militaire repose à la fois sur des hommes jeunes, célibataires, et sur des hommes mûrs, dont la plupart sont mariés. On sait que le décret sur la levée en masse avait établi entre ces deux âges des différences d’obligations : « Les jeunes gens iront au combat. Les hommes mariés forgeront des armes et transporteront des vivres... » La distinction faite était d’autant plus juste alors que les volontaires pères de famille n’avaient jamais porté les armes sous la Monarchie et qu’ils figuraient dans les rangs républicains pour la première fois. Elle parait moins nécessaire entre soldats et réservistes, tous passés par le même apprentissage militaire ; mais il n’en est que plus frappant de voir aujourd’hui l’armée allemande renouveler dans toute sa rigueur et faire délibérément sien notre principe de 1793.

Par là, s’achève l’évolution commencée chez elle en 1813, marquée dans ses premières étapes par les réformes organiques de 1860, de 1867, de 1871, et systématiquement activée au cours des vingt dernières années. Dès 1893, un des argumens principaux, à l’appui de la loi du lo juillet, fut que, grâce à l’élévation numérique des contingens, on disposerait à l’avenir de classes de réserve plus fortes ; que l’armée active, en se mobilisant, en mettrait à contribution un plus petit nombre, trois par exemple au lieu de quatre ; et qu’ainsi « elle se rajeunirait. » Ce rajeunissement s’est fait si vite que deux classes de réservistes allemands suffisaient hier, là où notre infanterie en utilisait quatre, et que l’objet avoué des renforcemens de 1913 est d’élever assez haut l’état numérique de l’infanterie pour qu’une seule classe suffise à sa mobilisation. Un simple appel de réservistes pourrait alors la porter au pied de guerre, et, par le jeu facile des ordres de convocation, le gouvernement serait maître de la mobilisation en pleine paix chaque fois que sa politique l’exigerait.