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l’intendance allemande a dépensé 19 millions pour « équipages et cuisines roulantes, » faisant la première son profit de l’exemple donné par l’armée russe aux militaires européens, et coupant court de bonne heure aux longues expériences sur ces cuisines faites chez nous depuis 1904.

Si maintenant quelqu’un s’étonne que le total de tous les crédits demandés ne s’élève qu’à un demi-milliard, alors que notre retard budgétaire mesuré depuis 1905 est d’un milliard tout entier, il faudra revenir une fois de plus à la question des effectifs et dire que, tant que la loi de recrutement n’a pas été modifiée, il serait peut-être illusoire d’étendre outre mesure nos sacrifices financiers. Le pouvoir de notre argent trouve assez tôt sa limite, par la raison que les dépenses organiques nous restent interdites, et celles-ci ne deviendront possibles pour nous que quand la libre disposition de trois classes aura renouvelé nos disponibilités de personnel.

Le moyen d’étendre nos formations auxiliaires et nos détachemens spécialisés, quand, pour les trois armes fondamentales elles-mêmes, les combattans font défaut ? quand la formation de 160 batteries nouvelles en 1909 n’a pu se faire qu’au prix d’une diminution intérieure d’effectif (90 hommes au lieu de 103) et d’un emprunt de 8 400 hommes à l’infanterie ? Ce prêt à fond perdu était le dernier qu’elle pût consentir : aussi, pour créer les batteries d’obusiers projetées, proposait-on, hier encore, de revenir aux batteries de campagne à six pièces, non que ce type fût le meilleur, mais il aurait permis une économie de personnel. C’était avouer que nous n’avons plus le choix de nos formes constitutionnelles, que notre loi de recrutement nous les impose et qu’elle coupe court chez nous à toute évolution rationnelle, c’est-à-dire à tout progrès.


Et cependant le développement pris par les formations spéciales n’a pas d’influence directe sur les armes combattantes. Le perfectionnement de l’outillage ne prévaut pas sur la qualité de l’armement. Les effectifs du temps de paix disparaissent dans ceux des unités mobilisées. Il semble enfin que, sur le terrain strictement militaire, notre armée, une fois complétée par l’incorporation des réservistes, doive redevenir égale à l’armée allemande ; mais un instant de réflexion montre qu’il ne peut en