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corps d’armée allemand, l’avance prise est marquée par ce double fait, qu’il existe un détachement de 250 télégraphistes, contre 50 dans le corps français, et un approvisionnement de projecteurs de campagne, qui nous font jusqu’à présent défaut.

Ces supériorités organiques apparaîtraient plus manifestement encore dans la comparaison des outillages d’armées. C’est que pendant toute la période antérieure, de 1893 à 1904, la France n’avait suivi que de loin et comme à regret l’essor ascendant donné par sa voisine à la courbe budgétaire. Nos crédits militaires, inférieurs de 150 millions en moyenne aux crédits allemands, ne dépassaient pas de beaucoup 600 millions ; il existait ainsi en 1905 un retard considérable à notre désavantage qui, joint aux conséquences financières immédiates du passage au service de deux ans, nous obligea, les années suivantes, à relever progressivement nos budgets jusqu’au delà de 850 millions. Mais, pareil à ces Zeppelin dont la tactique est de se rendre invulnérables en faisant dans l’espace un bond vertical, le budget allemand monta plus vite encore ; il dépasse aujourd’hui un milliard.

On ne s’étonnera donc pas que, le 19 décembre dernier, notre précédent ministre de la Guerre ait pu dresser toute une liste de dépenses dites « d’extrême urgence » et s’élevant au total de 635 millions. Ce programme spécial est venu depuis à l’examen de la Chambre, en même temps que le projet de loi sur le recrutement. Délesté de 135 millions reportés aux dépenses ordinaires et destinés à s’échelonner sur les prochains exercices, puis de 60 millions représentant le prix d’un matériel d’obusiers à l’achat duquel de récentes expériences ont montré l’opportunité de surseoir, le devis s’abaisse à 420 millions ainsi décomposés : service de l’artillerie, 214 000 000 ; du génie, 160 000 000 ; de l’intendance, 21 000 000 ; des chemins de fer, 17 000 000 ; des poudres et salpêtres, 5 300 000 ; de santé, 2 600 000 ; service géographique, 100 000.

La destination de ces sommes est, naturellement, tenue secrète ; mais les éclaircissemens sommaires donnés à la Commission du budget et livrés ensuite à la publicité suffisent à faire voir que le « programme spécial » est bien le succédané des mesures de compensation prises par le ministère allemand dès 1905.

Et d’abord, 130 millions demandés en première ligne, représentent