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spécial, devient sous-lieutenant après dix-huit, et, fier d’une épaulette acquise à bon marché, peut mettre à six pas de distance l’aspirant de Saint-Cyr qui ne le salue pas.

Doit-on s’étonner, après cela, que les vocations militaires tendent à devenir moins nombreuses que par le passé ? Le chiffre décroissant des candidats aux écoles, les promotions faibles, les démissions nombreuses ont obligé de recourir pour 1/5, et non plus comme autrefois pour 1/10 à des promotions d’adjudans. Malgré tout, les déficits suivans existaient à la date du 1er avril 1912 : officiers d’infanterie, 735 ; de cavalerie, 143 ; d’artillerie, 55. Ce dernier chiffre parait, à première vue, peu significatif ; mais il faut se souvenir que lors de la réorganisation de 1909, on avait supprimé un lieutenant par batterie, et qu’ainsi cette arme spéciale, si importante de tous temps dans notre système, si précieuse pour nous à l’heure présente, par le prestige dont elle jouit aux yeux de l’étranger, éprouve tout à coup une diminution de 800 lieutenans, singulièrement contraire au bien des services qu’elle est chargée d’assurer.

Est-ce à dire que ces déficits soient graves ? L’Allemagne en a de plus considérables et de plus profonds, qui tiennent à son état social et qui vont s’accroître encore en raison du développement subit qu’elle donne à son cadre. Elle n’en garde pas moins sur nous l’avantage de pouvoir promettre des joies professionnelles plus grandes à ses officiers. Pour s’en convaincre par un exemple, que l’on compare entre eux l’escadron français d’aujourd’hui et l’escadron allemand de demain.

Porté à 150 hommes dans tous les régimens allemands (au lieu de 138), celui-ci est formé pour les 2/3 de cavaliers de deux et trois ans de service, et pour le reste d’autant d’engagés volontaires que de recrues. C’est dire que la portion venue du contingent et mise pour la première fois à cheval pendant l’hiver n’est que le 1/6 du tout, et qu’avec seulement quelques files creuses, l’escadron peut encore manœuvrer en bataille durant cette période de l’année.

L’escadron français est à 130 cavaliers, desquels il faut déduire, si l’on veut descendre jusqu’au détail, les absens par détachement, par indisponibilité ou par congé. On trouve ainsi, sur une situation journalière datée du 28 mars 1913 et signée par un capitaine d’un de nos régimens de dragons : 9 sous- officiers, 9 brigadiers, 94 cavaliers ; total 112 hommes présens.