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deux ans. Le ministre omettait de dire qu’une incertitude sur notre attitude finale et la crainte de nous voir rejeter la loi chez nous à l’étude avaient seules suspendu jusque-là sa proposition. Il reproduisait simplement, en faveur du court service, les raisons, devenues tout à coup probantes, qui n’avaient pas été jugées valables lors du précédent quinquennat. Des crédits spéciaux, dits « de compensation, » lui paraissaient cependant nécessaires ; et il développait pour finir un long plan de créations nouvelles, intéressant surtout l’artillerie et la cavalerie.

80 batteries, 10 escadrons, furent en effet constitués les années suivantes ; 28 autres escadrons, après 1905. Ainsi, de quinquennat en quinquennat, le complément se poursuivait arme par arme, dans l’ordre d’urgence. La formation des XXe et XXIe corps était dès lors prévue, et sans doute elle se serait effectuée plus tôt si la guerre avait éclaté dans l’intervalle ou si, la paix continuant de régner, l’évolution militaire allemande avait été moins prudente et moins progressive. Tous leurs matériaux étant à pied d’œuvre, on les a vus prendre naissance l’an dernier, le XXe à Allenstein, le XXIe à Sarrebruck, par la simple création de leurs états-majors. Mais, déjà, un nouveau travail préparatoire recommençait, — 17 bataillons, 6 escadrons, 11 batteries ; — il s’active en 1913, — 18 bataillons, 34 escadrons, un grand nombre de formations accessoires, — sans que la méthode ait changé un instant et sans que des renforcemens numériques intérieurs aient cessé de précéder la multiplication des unités. C’est ainsi que, sur les 669 bataillons du plan organique actuel, 280 seront au nouvel effectif fort (721 hommes de troupe). L’ancien effectif fort (641 hommes) sera désormais celui des bataillons faibles, si bien qu’au total, l’infanterie, en dix ans, se sera accrue de 82 000 hommes, en se grossissant seulement de 44 bataillons.

Loin qu’elle put se donner un semblable développement, la France n’a fait que sentir à chaque instant la gêne inévitable liée à l’insuffisance de ses ressources de recrutement. La loi des cadres de l’infanterie, remise cinq ans sur le métier (1907-1912), rendue finalement sous l’impression de l’avant-dernière loi allemande, a dû s’accommoder de la maigre compagnie d’infanterie à 115 hommes, sous peine de réduire le grand cadre (les corps d’armée), ou, conséquence plus grave, de modifier le petit cadre (bataillon, compagnie), et de tomber alors dans le hasardeux