Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/873

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seulement trouvaient leur place dans le cadre organique des 48 divisions, on en possédait déjà 624.

L’esprit de ce système ne peut se comparer qu’à l’économie d’un propriétaire rural, procédant par culture intensive et tirant chaque année de son fonds le produit maximum. En plaçant çà et là les revenans-bons de son industrie, il se trouve disposer à la fin de nouvelles tenures, qu’il exploite à leur tour de la même manière. Or, toute cette prospérité repose sur le riche capital humain que l’Allemagne s’est donné en 1893 et sur ses plus-values ultérieures de recrutement ; l’origine en est dans l’adoption du service de deux ans. Et la même cause première, appliquée à un pays sans natalité, va dès 1905 produire chez nous des effets tout opposés.

Jusque-là, la loi de 1889 nous avait permis de remplir d’hommes, à peu près, le cadre de nos vingt corps d’armée. Si mollement appliquée qu’elle fût, elle pouvait encore rendre 490 000 soldats, car, si sur chaque classe comptée théoriquement à 210 000 hommes, 70 000 environ ne faisaient qu’un an de service, si les deux classes les plus âgées s’abaissaient de ce fait à 140 000, le total ne s’élevait pas moins au chiffre indiqué. Il menaçait au contraire de s’abaisser brusquement aux environs de 420 000 par l’adoption du service de deux ans. Dès lors, — objectait l’état-major de l’armée, — comment conserver encore le plan organique ancien et ne pas examiner une nouvelle loi des cadres, parallèlement avec la réforme proposée du régime du recrutement ?

La Chambre, pressée d’en finir avec cette dernière affaire, passa outre, et se satisfaisant des raisons spécieuses portées par M. Berteaux à la tribune, disjoignit l’une de l’autre ces deux questions inséparables. Dès lors, la première conséquence du nouveau système devait être la baisse des effectifs à l’intérieur des unités, et la seconde, l’impossibilité ultérieure d’étendre le cadre, sous peine d’accentuer davantage ce fléchissement.

Ces remarques, aussitôt faites par les observateurs attentifs qui nous guettent de l’autre côté des Vosges, réagirent sur leur politique. Dès les premiers jours du mois d’avril, au moment même où l’Europe apprenait le débarquement de Guillaume II à Tanger, un exposé des motifs, accompagnant le dépôt de la nouvelle loi quinquennale, invitait le Reichstag à consacrer définitivement en Allemagne l’institution provisoire du service de