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l’effet de l’exonération spéciale que la loi projetée propose d’accorder aux soldats ayant au moins quatre frères ou sœurs vivans, et ne serait plus ainsi, vers la fin de la troisième année militaire, que de 120 000 hommes environ ; mais ajoutée aux deux autres (460 000 hommes j elle donnerait encore la somme respectable de 580 000 hommes.

La proportion numérique des 4/5 qui, pour des raisons précédemment déduites, doit exister entre l’armée allemande et nous ne serait pas encore atteinte, mais elle aurait été moins éloignée de l’être pendant la période d’hiver, la plus intéressante au point de vue de la mobilisation, et la présence de nos compagnies de 2/3 de soldats instruits pour 1/3 seulement de recrues nous aurait assurés par surcroit d’une supériorité de qualité. Ainsi, tout le long de l’année, nous pourrions faire face, sans sourciller, aux moulinets-de sabre allemand. Enfin, cette attitude laisserait à la Russie le temps de se pourvoir, de répondre, en ce qui la concerne, aux armemens de 1913, et tous nos devoirs, soit envers nos alliés, soit envers nous-mêmes, auraient été exactement remplis.


Dira-t-on qu’une comparaison d’ensemble portant exclusivement sur les effectifs, ne peut donner sur la valeur relative des deux armées qu’un aperçu superficiel et qu’elle laisse subsister un doute sur la question de savoir si la réforme de la loi de recrutement est en effet urgente, ou si notre infériorité sur le terrain du nombre ne peut pas être compensée par quelque autre moyen ? Il faudra insister alors sur le rapport étroit qui existe chez nous entre un état numérique insuffisant et les conditions de l’instruction militaire ; il faudra passer du dénombrement des troupes à la considération de leur qualité et de leur valeur.

C’est ici l’un des points où le parallèle entre les deux armées est le plus suggestif, et où notre manière prime-sautière contraste le plus vivement avec la patiente continuité de la méthode allemande. Le service de deux ans n’est pas nouveau en Prusse ; il a été institué une première fois en 1837, dans l’idée même de Vauban, d’avoir « le plus grand nombre de soldats possible, au meilleur marché possible ; » mais il ne les a pas formés aussi bons qu’on aurait voulu, et l’on a préféré revenir, en 1852, à l’ancien service de trois ans.