Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/864

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la soudaineté d’un mouvement réflexe, par de brusques velléités d’armemens. L’attitude prise à ce sujet ne pouvait être différée, car elle importait au règlement même de la crise orientale ; elle offrait à l’Autriche un appui devenu nécessaire, elle faisait comprendre à l’Europe qu’au moment où l’escadre internationale se présente devant la baie d’Alessio, c’est l’Allemagne qui rôde autour de Scutari.

Cependant, rien n’est changé dans le problème militaire franco-russe, parce que rien ne peut l’être dans le plan général de guerre allemand. Placé entre deux adversaires différens d’espèce, de position, et de vitesse, l’état-major de Berlin prétend toujours les battre successivement. Son appareil militaire, beaucoup plus dense à l’Ouest qu’à l’Est, est conçu dans l’esprit de cette manœuvre ; le réseau ferré la prépare ; l’intervention de l’armée autrichienne en Galicie la seconde ; enfin les conditions mêmes de l’engagement des armées russes la suggèrent, en raison de la lenteur relative de leur concentration, des retards qu’elles peuvent éprouver dans leurs marches, de la nature ingrate du théâtre où elles auraient à se déployer. Toutes ces données faisaient, hier encore, qu’au début d’une guerre européenne générale, la France était bien pour l’Allemagne l’adversaire principale. Loin qu’elles aient perdu de leur importance, il semble que l’état nouveau de l’Europe politique ne fasse que leur prêter plus de force et plus de valeur.

S’il est vrai que la Russie ait politiquement grandi, elle demeure aussi vaste, aussi lente, aussi résistante, aussi indifférente aux revers, aussi bien défendue par l’espace et aussi irréductible au temps qu’elle l’était en 1812. La manière la meilleure de la frapper est de chercher à l’atteindre dans son alliée, en portant contre celle-ci les coups les plus prompts et les plus décisifs. On a de ce côté l’avantage d’une frontière enveloppante, d’un territoire ennemi peu profond, défendu par la fortification seulement sur son périmètre extérieur, d’une capitale relativement vulnérable, et surtout d’une race nerveuse, qu’on peut espérer abattre d’un seul choc et par un seul revers.

C’est donc bien à la France, aujourd’hui plus encore qu’hier, c’est à l’ennemie héréditaire que les premières salves sont destinée. C’est parce que les Russes sont devenus plus lourds dans la balance, qu’on charge le plateau de notre côté. On veut une guerre brutale et courte : on sait qu’on ne disposera plus, pour