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Leurs illusions ne seront pas de longue durée. Dès le 31 mars 1905, dix jours après le vote de la loi, Guillaume II débarque à Tanger ; le retentissant discours qu’il prononce ouvre la première crise marocaine. Les années suivantes, en dépit de budgets sans cesse déficitaires, l’Allemagne poursuit la patiente réalisation de son programme militaire. En fin de quinquennat, elle croit avoir assez accentué les différences de 1905 pour pouvoir nous imposer son projet d’accord relatif aux chemins de fer marocains. Le 4 mars 1911, le gouvernement français écarte la proposition allemande et prépare un contre-projet. Le 1er juillet, la Panther nous égratigne par le coup de patte d’Agadir : sa présence comminatoire appuie les revendications allemandes relatives à des compensations au Congo. Il en résulte, pour l’opinion française, un certain état d’oppression et de malaise ; mais cette inquiétude se dissipe dès les accords du mois de novembre, et elle ne renait pas le printemps suivant quand l’accroissement extraordinaire des 34 000 hommes et des 144 millions est demandé au Reichstag. Cependant, c’est la troisième fois que l’Allemagne nous somme, et l’usage est qu’après trois sommations le factionnaire fasse feu. L’agitation du Wehrverein, les commentaires de la presse, surtout la manière dont le vote parlementaire vient d’être enlevé rendent la mise en demeure plus significative, et c’est bien au souvenir de l’Agadir-politik, c’est furieux de la résistance éprouvée l’année précédente que le Michel allemand braque contre nous son pistolet.

Enfin son geste de 1913 nous fait sortir de notre impassibilité. En trois années, l’Allemagne a trois fois changé d’unité de mesure, et, des accroissemens comptés par milliers d’hommes en 1911, passé aux dizaines de mille en 1912, aux centaines de mille en 1913. Sa formule nouvelle : « Tout Allemand valide doit être soldat » menace de régler aujourd’hui le rapport des effectifs selon le chiffre même des populations.

C’est donc contre notre natalité faible qu’il faut maintenant nous armer, et c’est à quoi pourvoit la nouvelle loi de recrutement proposée, portant rétablissement du service de trois ans. Il arrive cependant qu’au moment où nous prenons ces sûretés, la presse officieuse allemande nous accuse d’un excès d’inquiétude et de nervosité. A l’en croire, nous nous serions deux fois