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En même temps que la richesse allemande paiera ce tribut, de grandes quantités d’or seront retirées du marché monétaire : ces prélèvemens permettront de tripler le trésor de guerre enfermé dans la tour de Spandau et de le porter au total de 450 millions de francs.

La population allemande accepte toutes ces charges sans un murmure ; le ton de la presse est grave et recueilli, comme si l’on se sentait outre-Rhin à la veille d’événemens décisifs et si l’on voyait poindre sur le pays l’aube tragique de temps nouveaux. L’Empereur, à l’inspiration personnelle de qui la nouvelle loi militaire est due, prenait soin lui-même de souligner devant le peuple l’importance de cette heure d’histoire, quand, le 10 mars dernier, il adressait « à son armée » un solennel ordre du jour et qu’il invitait l’opinion allemande à refaire tout le chemin parcouru par la Prusse depuis qu’à la même date et cent ans auparavant Frédéric-Guillaume III l’avait appelée à prendre les armes contre nous.

C’est toute cette évolution militaire dont nous devons nous-mêmes nous souvenir si nous voulons embrasser toutes les données du problème posé devant la France de 1913, rattacher les dernières lois allemandes au passé allemand, voir au juste de quoi elles nous menacent, et de quelles conséquences elles doivent être quant à la lettre de nos obligations.


On sait que la haine passionnée de la France fut le sentiment qui galvanisa la Prusse de 1813. La colère populaire s’était longtemps amassée sous notre joug. De grands hommes d’Etat avaient su préparer par des mesures de liberté le conscient sursaut de l’éveil national. C’était Stein, accomplissant la double réforme, sociale et municipale, consacrée par la suppression du servage (9 octobre 1807) et par l’établissement de l’autonomie communale (19 novembre 1807), mais échouant dans l’essai d’une réforme administrative que la résistance de la noblesse terrienne, que l’organisation féodale de l’Etat ne lui permettraient pas de mener à bien. C’était Scharnhorst, officier roturier, monté par son mérite au faite de la hiérarchie militaire, sujet de Nassau devenu ministre de la Guerre prussien, qui se heurtait, à son tour, aux mêmes obstacles, mais plus puissans, plus profondément enracinés au sol, sur ce terrain