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pas blâmée et au contraire, en arrive soixante pages plus loin à écrire : « Cette génération se défie de l’intellectualisme... mais elle n’entend pas s’abandonner aveuglément à l’instinct... ni restreindre les droits légitimes de l’intelligence. La métaphysique même reprend essor... M. Edouard Le Roy dit : « Un effort pour convertir toute idée en action, pour régler l’idée sur l’action autant que l’action sur l’idée, pour vivre ce que l’on pense et penser ce que l’on vit... » — A la bonne heure et admirable ! S’il s’agit d’anti-intellectualistes de cette sorte, j’en suis.


La seconde vertu de la Grande Génération, c’est la foi religieuse. Si le fait est vrai, je n’hésiterai pas sur le mot : j’en suis charmé. Depuis trente ans, je défends les catholiques de toutes mes forces et souvent contrairement à mes intérêts (ce qui, du reste, est l’orthographe) parce qu’ils étaient persécutés. J’espère n’avoir plus à les défendre. Je ne suis pourtant pas formellement des leurs ; mais j’estime que dans tout pays il est immoral et anti-national de détruire les religions. Les religions sont une forme de la morale dont certains esprits et certaines consciences ne peuvent pas se passer pour être moraux. Détruisez la religion, et ces esprits-là et ces consciences -là tomberont dans l’immoralisme. Ne croyez pas que je répète le mot de l’archi-aristocrate Voltaire : « Il faut une religion pour le peuple. » Point du tout ! Je dis que dans le peuple il y a de très honnêtes gens qui peuvent l’être sans religion, et d’autres qui sans religion seraient immoraux, et qu’aussi dans les hautes classes et parmi les plus intellectuels il y a également des hommes qui peuvent avoir une morale sans religion, et d’autres qui ont besoin d’avoir une religion pour avoir une morale. Je dis qu’il y a des esprits, partout, pour qui une religion est la forme nécessaire de la morale et que, par ainsi, ruiner une religion est, en quelque pays que ce soit, une immoralité et un acte anti-national. Le retour à la foi chez une grande partie, dit-on, de la jeunesse intellectuelle me parait donc une chose dont tout patriote devrait se louer.

Il est vrai, et l’auteur le reconnaît, que contre cette affirmation que la jeunesse actuelle est éprise d’action et revient à la religion, il y a une objection assez sérieuse : c’est que le recrutement de Saint-Cyr devient difficile et que le recrutement des