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Adieu, mon frère, je souhaite que vous puissiez être heureux après avoir fait le malheur de toute votre famille.

« M. L. P. DE SAVOYE. »


XI

S’il est difficile de déterminer la part directe de Mme de Genlis dans la vie politique du Duc d’Orléans, on ne saurait plus méconnaître celle qu’elle prit dans sa vie domestique ; cette part s’aggrave de cela, qu’étant donné le caractère de Philippe, ces deux vies ne pouvaient, sans danger, être séparées.

Trop justement, la Duchesse d’Orléans eût pu appliquer, à l’égard de son mari, ce mot de la gouvernante sur l’influence présumée de Mme de Chastellux : « Avant de la connaître, Madame d’Orléans adorait et chérissait tout ce qu’elle devait aimer, et maintenant... »

Maintenant, par la faute de Mme de Genlis, il n’existait plus de famille au Palais-Royal ; et c’est alors que la Révolution y entra...

La gouvernante fut-elle, du moins, l’éducatrice modèle que croyait reconnaître Philippe ? Tous ses efforts, il faut l’avouer, tendirent vers ce but. Si là s’était borné son rôle, sans qu’il usurpât sur celui de la mère, on peut avancer que les enfans de Philippe-Egalité eussent été remarquablement élevés. De leur gouvernante, ils auraient acquis ce qui convenait pour vivre pratiquement dans des temps nouveaux, de leur mère, ce qui est indispensable pour vivre noblement dans tous les temps.

Toutefois, discuter la qualité de l’éducation que dispensa Mme de Genlis est hors de notre sujet. Seul le droit souverain qu’elle s’arrogea dans cette tâche doit être ici mis en cause.

En ce qui concerne les griefs de l’épouse, nous ne nous montrerons pas plus sévères que la Duchesse d’Orléans elle-même : n’a-t-elle pas écrit à son mari : « Si Mme de Sillery avoit été honneste, elle m’auroit répondu qu’elle me rendoit mes enfans... tout auroit été dit, et j’aurois été à ses pieds... »

Quels qu’aient été les jugemens sur ce point délicat, la vie sentimentale de Mme de Genlis, exempte, en somme, de scandale, n’eût relevé que de sa conscience ; mais elle ne rendit pas à la Duchesse d’Orléans ses enfans, et c’est en cela que Mme de Genlis ne fut pas « honneste. »


G. DU BOSCQ DE BEAUMONT ET M. BERNOS.