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ai bien recommandé de l’embrasser pour moi le plus tendrement possible, mais ce ne pourra jamais être aussi tendrement que si c’étoit moi-même, car il faudroit pour cela donner mon cœur, celui d’une mère, et d’une mère aussi aimante que la tienne, ne ressemble à nul autre, quelque sensible qu’il soit, mais celui de mon Beaujolois y répond bien parfaitement et ils s’entendent toujours de même, car le tien si jeune encore a déjà été éprouvé, et ma consolation la plus chère est de voir que l’absence, et une absence bien longue, n’a pu affoiblir les sentimens de mon Beaujolois pour moi.

« J’ai eu besoin de te remercier sur le champ de ta charmante lettre du 10 et 11, je vais nettement y répondre, mes journées ne sont pas arrangées comme les tiennes, mais quoique l’heure de la promenade soit difficile à mettre d’accord avec la vie que nous menons, je tascherai de la prendre le plus souvent possible ; quand je déjeune c’est sur les dix heures, dix heures et demie, mais nous ne dinons guères que vers deux heures, et nous soupons à dix. C’est l’après midi que nous sortons, soit en voiture, soit à pied, et quand j’en ai la possibilité et la force, je tasche encore de faire une petite promenade, et ce qui m’y décide souvent, c’est la pensée que je remplis le désir de mon Beaujolois en faisant un exercice qui m’est recomandé par mon médecin, mais je ne cacherai pas que, quoique j’ai beaucoup de confiance en lui, il a infiniment moins de crédit sur mon esprit que mon Beaujolois, dont j’aimerois toujours avant tout à suivre les ordonnances.

« Mendes moi à quelle heure tu peux faire les petits ouvrages que tu fais pour moi, et je la prendrai pour travailler pour mon Beaujolois. Tu me diras ce que tu veux que je te fasse.

« Je pourrai te broder un gilet moucheté dans le genre de celui que j’ai vu à Montpensier, ou telles autres choses qui te feroient plaisir...

« Je me suis réjouie du plaisir que tu avois eu au Rainsi ; je ne me fesois pas une idée qu’on put y faire une pêche aussi considérable, à la manière dont vous vous y êtes conduits tous les trois, vous auriés bien pu vous trouver dans les filets avec ces Messieurs.

« Quand je pense qu’un trajet de quelques heures me réuniroit à mon Beaujolois, j’avoue que notre séparation m’est encore plus pénible, mais quand je me dis que si l’espace qui est entre