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caractère de celle qui vous a donné le jour ; cette époque sera celle qui nous assurera à l’un et à l’autre les satisfactions les plus douces et les plus propres à faire notre bonheur mutuel. »


Dans ces épanchemens d’une douceur si nouvelle, Marie-Adélaïde ne se borne point à dire à son fils : « Voilà mes sentimens, voilà mon cœur ; » dans un héroïque sacrifice de ses opinions, elle va jusqu’à lui laisser entendre que ces opinions ne sont pas telles qu’il les suppose, qu’elles ne sont pas intransigeantes au point de ne pas s’accorder par quelque côté avec celles de son fils :


« Je t’ai demandé ta confiance, cher enfant, tu me l’as promise, et de ton exactitude à remplir cet engagement dépendra mon bonheur. Tu peux à ton tour compter sur la mienne, elle sera entière, et j’espère trouver dans mon fils l’ami le plus sûr, le plus vrai, comme tu trouveras toujours dans ta mère l’amie la plus tendre et la plus occupée de tout ce qui pourra te rendre heureux... Jusqu’ici, tu ne m’as connue que par ma tendresse, je veux que tu me connaisse par mon caractère, par mes opinions. J’aime avec vivacité et abandon. Je suis affligée et malheureuse quand je ne suis pas aimée de même, et la moindre réserve de la part des personnes que je chéris me blesse profondément. Une marque de confiance, au contraire, porte la joie dans mon cœur. Tu es jeune, mon cher ami, tu feras des étourderies, cela ne peut pas ne pas être, ce que je te demande, c’est d’en faire toujours l’aveu à ta mère, qui sera ton meilleur avocat auprès de toi-même... Ce que je viens de te dire te prouvera que je tiens infiniment à mes amis et aux personnes qui m’ont toujours témoigné de l’attachement.

» Je suis charmée que tu aimes la Constitution qui s’établit, puisque c’est celle sous laquelle tu es destiné à vivre, les bases sur lesquelles elle s’établit sont bonnes et solides, et j’espère qu’elles feront le bonheur de la France. Tu vois qu’il n’y a de différence entre nous que celles que l’âge et des positions différentes doivent nécessairement aporter. Mes opinions sont moins vives, plus réfléchies. D’ailleurs, mon cher père est rendu malheureux par cette révolution ; il est privé du seul bonheur qu’il connût, de celui de faire du bien. Il se soumet à tout et donne l’exemple de l’obéissance aux nouvelles lois, mais je sais qu’il