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sont qu’étouffés et qu’un jour l’amour et le devoir vous porteront à rendre à la meilleure des mères ce qu’elle auroit droit d’attendre de vous. »


Voici ce que le Duc de Chartres, alors colonel de dragons, écrivait à sa mère et quelles étaient les réponses qu’il en recevait :


Paris, ce 3 avril 1792.

« Je n’ai pas répondu hier sur le champ à la lettre de ma chère maman dont j’ai été vivement touché, je partois dans ce moment pour le Raincy avec mon père ; ce qui a fait que j’attendois la réponse de maman, c’est que je connaissois la bonté qu’elle a ordinairement de nous répondre exactement, cependant je comptois toujours lui écrire aujourd’hui dans tous les cas ; ce dont je désirois parler à ma chère maman ne concerne que moi, et je puis par conséquent le confier à la poste ; ce qui faisoit que j’éprouvois de l’embarras à en parler, c’est que c’est une de ces choses sur lesquelles on ne peut s’expliquer nettement et clairement, mais puisque maman m’a permis de lui tout dire, je vais le faire. Depuis longtemps je désirois vous entretenir de mes mœurs, je souhaitois vivement que vous connaissiés entièrement ma conduite, elles sont, j’ose le dire, aussi pures sous tous les rapports qu’il est possible qu’elles le soient, elles sont intactes. On m’a d’ailleurs trop inspiré trop de principes de religion, ils sont trop bien gravés dans mon cœur, pour que je m’en écarte jamais. Je ne vous cacherai pas non plus que je n’ai pas pu réussir à me conserver pur sans combat, sans souffrance, ma santé même en est quelquefois altérée, mais n’importe. Je souffrirai patiemment toutes les peines que Dieu m’enverra jusqu’à ce qu’il me soit permis d’être heureux légitimement, et quelque grandes que soient les tentations qui m’entourent, maman peut être sûre que j’en triompherai, car j’aimerois mieux mourir que de manquer de mœurs et à ce que je dois à la religion.

« Je vous ai ouvert mon cœur, je ne vous ai rien caché, j’espère que ma chère maman gardera tout ceci pour elle, cependant si mon grand-père avoit quelques doutes sur la pureté de mes mœurs, je serois trop fâché qu’il les conservât pour ne pas prier maman de vouloir bien les dissiper. Je vous demande pardon de tous ces détails, je n’y suis entré que parce que j’ai cru que vous seriès bien aise de les connoître.

« L. P. »