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Paris, mercredi 15 aoust 1792

L’an 4.

« Il y a peut-être un peu de retard dans mes lettres, ma chère petite, parceque, personne ne pouvant sortir de Paris, j’ai été obligé d’envoier mes lettres à la poste de Livry, ce qui leur aura fait manquer le jour du départ de Paris pour l’Angleterre, ainsi vous en recevrez peut être deux à la fois. Vous les aurez plus exactement à présent que je vous écris de Paris où j’ai été obligé de revenir pour mes affaires, quoique j’eusse formé ce projet, puisque j’en étois dehors par hazard, de n’y rentrer que quand on pourroit en sortir librement.

« Quoique je n’aime pas que ma liberté soit contrariée, je ne puis cependant pas m’empêcher de convenir que cette précaution est nécessaire dans ce moment-ci pour pouvoir arrêter toutes les personnes qui donneroient des éclaircissemens sur un complot abominable formé contre notre liberté, et d’ailleurs, cela ne peut pas être long à présent, car il y en a déjà un grand nombre d’arrêtés et l’on croit être sûr de tenir le fil et d’avoir bientôt avec certitude tous les détails qui seront rendus publics, chose bien nécessaire pour ôter l’envie de recommencer quelque chose de ce genre. Je crois qu’on en est dégoûté et que pour cette fois-ci, on ne doutera plus de la volonté bien décidée de la Nation d’être libre et de n’être plus trompée.

« Adieu, chère petite enfant que je chéris. Embrassez votre amie de ma part bien tendrement. Comme voilà la belle saison qui se passe, je vous manderai bientôt de revenir me trouver et j’en aurai bien du plaisir. Montrez cette lettre à votre amie. Adieu bonne, bonne petite. »


Il n’y a pas jusqu’à Mme de Buffon qui ne se mêle d’écrire ainsi l’Histoire pour Beaujolais, son favori :


Ce lundy 13 aoust 1792.

« Je suis bien reconnaissante de l’aimable attention de M. de Beaujolois. Je puis bien l’assurer qu’au milieu des effrayantes horreurs arrivées depuis quatre jours, je formois continuellement le désir de le posséder icy. Voilà donc encore les patriottes sauvés des pièges désastreux qu’on leur tendoient, et les noirs projets sont renversés. J’attend l’instant de vous aller rejoindre avec impatience. J’imagine que ce sera sous très peu de temps. Adieu, mon favori, conservés moi toujours de