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Pendant son court passage au Palais-Royal, Mme de Genlis avait encore reçu de Louis-Philippe les plus tendres assurances de ses sentimens :


A la citoyenne Sillery
A Bellechasse, rue Saint-Dominique, à Paris.


Tirlemont, ce 24 novembre 1792,

l’an Ier de la République.

« Je viens de recevoir, ma chère maman, votre lettre de Paris qui m’a fait un sensible plaisir. Assurément je n’ai pas besoin d’explication avec vous et je n’en aurai jamais besoin, je ne me rappelle pas l’inculpation dont vous me parlés, je ne me rappelle que cette lettre sotte et déplacée que je me suis tant reproché et qui m’avoit été arrachée par le désir que j’éprouvois de vous voir rentrer en France. C’est une sottise que vous avés la bonté de me pardonner, que je vous conjure d’oublier et dont je vous prie instamment de ne jamais me parler. Je n’ai jamais eu la pensée de douter de l’invariabilité de vos principes et de la pureté de votre conduite, ce seroit me faire injure que de m’en croire capable, j’ai craint qu’abusée sur notre position, vous vous refusiés à revenir, cette crainte m’a fait écrire une lettre que je ne peux pas assés vous prier d’oublier, mais je n’ai jamais eu d’autre pensée et je ne conçois pas ce dont, ma chère maman, vous me parlés ; au reste, laissons cette vilaine occupation, ne nous occupons que du bonheur d’être réunis après une si longue absence. Vous me retrouverés tel que vous m’avez laissé, toujours ferme et inébranlable dans les principes que vous avés gravé dans mon cœur comme dans l’attachement sans bornes que je vous ai voué.

« Je n’aurai qu’un regret, c’est d’avoir été obligé de vous en parler ; je suis bien heureux d’avoir trouvé l’occasion de distinguer votre fils et je pensois avec délices que cela contribueroit à vous rendre heureuse.

« Adieu, ma chère maman, je vous remercie de votre bonne lettre, elle m’a bien soulagé, car j’étois bien tourmenté de la pensée que vous aviés à vous plaindre de votre fils.

« PHILIPPE ÉGALITÉ. »