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Ce qui me rassure parfaitement pour la vie de cette malheureuse enfant, c’est que son père est auprès d’elle et prendra très certainement toutes les précautions pour assurer son existence.

« La précaution la plus sûre et la plus délicate, pour ne pas dire la seule que je connoisse, est d’engager Mme de Sillery à vouloir bien reprendre la place qu’elle occupoit auprès d’elle. Je vais faire tous mes efforts pour l’y déterminer. »


Il faut croire que la présence de Mme de Genlis n’eut pas sur la santé de son élève toute la vertu qu’on lui prêtait, car, au mois d’octobre, elle passe avec Mademoiselle en Angleterre pour lui faire prendre les eaux de Bath. On ne daigne même pas en informer sa mère qui s’en plaint amèrement au Duc d’Orléans :


« Je reçois à l’instant votre lettre sans datte avec celle de ma fille. Je scavois depuis plusieurs jours son départ, mais je le scavois par la voie publique, et je pouvois espérer et croire l’apprendre autrement.

« Vous devez me connoître assez pour savoir ce que j’éprouve et juger de l’impatience avec laquelle j’attends des nouvelles de ma fille. »


Ce départ est le prélude de la séparation définitive imposée cette fois par la marche des événemens révolutionnaires. Dans un juste retour, ils feront pour Mme de Genlis un embarrassant fardeau de son succès même. D’abord, et non sans raison, elle répond à Philippe, qui lui demande instamment de rentrer en France avec sa fille : « Il est inconcevable de nous faire revenir en ce moment. » Toutes les insistances de ce dernier sont vaines, son influence a perdu de sa force, et il appelle à la rescousse celle de son fils aîné, en garnison à Tirlemont. Il le charge de présenter à son ancienne gouvernante ce tableau optimiste de la situation :


« Sillery est nommé pour le département de la Somme, et depuis ce moment-là, tout va le mieux du monde : l’Assemblée sera excellente, sa femme ne doit pas hésiter à revenir. »


Cette Assemblée qui, pour le Duc d’Orléans, s’annonçait excellente, était la Convention !

Mme de Genlis ne veut rien entendre, elle restera loin de