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Et l’idéal évangélique n’était-il pas, au fond, plus humain que celui des philosophies païennes ? S’il essayait de s’y soumettre, d’accorder en lui la foi de son enfance et ses ambitions de jeune intellectuel ? Être sage à la façon de sa mère, de ses grands-parens, des bonnes servantes de Thagaste, de toutes les humbles âmes chrétiennes dont on lui avait appris à révérer les vertus, — et, en même temps, égaler un Platon par la force de la pensée, — quel rêve ! Était-ce possible ?… Il nous dit lui-même que l’illusion fut brève et que, d’abord, il se refroidit pour l’Hortensius, à cause qu’il n’y trouvait point le nom du Christ. Il s’abuse probablement. À cette époque, il n’était pas si chrétien. Il cède à la tentation d’une belle phrase : quand il écrivit ses Confessions, il n’en avait pas encore perdu complètement l’habitude.

Mais ce qu’il y a de vrai, c’est que, sentant l’insuffisance de la philosophie païenne, il se retourna un instant vers le christianisme. Le dialogue cicéronien, en décevant sa soif de vérité, lui donna l’idée de frapper à la porte de l’Église et de s’enquérir s’il n’y avait pas, de ce côté-là, un chemin praticable pour lui. C’est pourquoi cette lecture de l’Hortensius est, aux yeux d’Augustin, une des grandes dates de sa vie. Bien qu’il soit retombé dans ses erreurs, il se tient compte à lui-même de son effort. Il y reconnaît le premier signe et comme la promesse de sa conversion : « Déjà, je m’étais levé, mon Dieu, pour retourner vers toi ! »

Il commença donc à étudier les Saintes Écritures, avec la velléité plus ou moins sérieuse de s’y instruire. Mais aller à la Bible, en passant par Cicéron, c’était prendre le chemin des écoliers. Augustin s’y égara. Ce style populaire, direct, qui ne se préoccupe que de dire les choses et non de la façon de les dire, ne pouvait que rebuter l’élève des rhéteurs de Carthage, l’imitateur des harmonieuses périodes cicéroniennes. Non seulement il avait le goût trop gâté de littérature, mais il y avait aussi trop de littérature dans cette pose de jeune homme, qui, un beau matin, se met en route pour conquérir la sagesse. Il fut puni de son manque de sincérité, d’humilité surtout. Il ne comprit rien à l’Écriture : « Je trouvai, dit-il, un livre impénétrable à l’orgueilleux, mais qui pourtant ne se dévoile pas tout entier aux humbles d’esprit, un livre dont le seuil est bas, mais qui grandit à mesure qu’on y pénètre et dont le sommet se