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sans doute sollicité par elle, vint encore une fois au secours de l’étudiant en détresse. Tranquillisé sur son sort, celui-ci reprit, d’un cœur léger, sa vie studieuse et dissipée.

Il ne semble pas, en effet, que ce deuil familial lui ait causé un bien grand chagrin. Dans ses Confessions, il mentionne la mort de son père en deux mots, et, pour ainsi dire, entre parenthèses, comme un événement prévu et sans grande importance. Et pourtant il lui devait beaucoup. Patritius s’était gêné, et s’était donné de la peine, afin de pourvoir à son éducation. Mais, avec le bel égoïsme de la jeunesse, il estimait peut-être que c’était assez d’avoir bien profité des sacrifices paternels, et il se dispensait de la reconnaissance. Enfin, son affection pour son père devait être un peu tiède. Il y avait entre eux de trop profondes contrariétés de nature. Dès ces années-là, Monique occupait tout le cœur d’Augustin.

Pourtant, l’influence de Monique elle-même était bien faible sur ce grand garçon de dix-huit ans. Il avait oublié ses leçons et il ne s’inquiétait guère si sa conduite ajoutait aux soucis de la veuve, qui se débattait alors contre les créanciers de son mari. Il était bon fils, au fond, et il aimait ardemment sa mère, mais il cédait à l’entraînement inévitable des camaraderies.

Ses camarades, il nous les a dépeints, après sa conversion, comme d’effroyables mauvais sujets. Il est trop sévère sans doute. Ces jeunes gens n’étaient ni meilleurs ni pires qu’ailleurs. Ils étaient turbulens, comme dans les autres villes de l’Empire, et comme on l’est toujours à cet âge. Des règlemens impériaux prescrivaient à la police d’avoir l’œil sur eux, de surveiller leurs relations et leur conduite. Ils devaient ne pas s’affiliera des associations illicites, ne pas trop fréquenter les théâtres, ne pas perdre leur temps en débauches et en festins. S’ils se comportaient de façon par trop scandaleuse, ils seraient battus de verges et renvoyés à leurs parens. A Carthage, ils formaient une bande d’indisciplinés qui s’intitulaient eux-mêmes : les Démolisseurs. Leur grand plaisir était d’aller faire du bruit au cours d’un professeur, d’envahir la salle et de tout briser sur leur passage. Ils s’amusaient aussi à brimer les nouveaux, à se moquer de leur naïveté et à leur jouer mille tours. Les choses n’ont guère changé depuis ce temps-là. Les condisciples d’Augustin sont tellement pareils aux étudians d’aujourd’hui que les expressions