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simplement la politique étroite et sectaire qui a été la leur lorsqu’ils ont été les maîtres. M. Barthou est trop intelligent pour revenir à une politique périmée dont le pays ne veut plus. Sera-t-il assez ferme pour faire une politique nationale, celle que le pays attend et qu’il a acclamée dans la personne de M. Poincaré ?


La situation extérieure, toujours inquiétante, s’est pourtant améliorée par la prise d’Andrinople : mais, avant d’indiquer les traits principaux qu’elle présente aujourd’hui, nous devons exprimer l’horreur qu’a inspirée à la France entière l’assassinat du roi Georges de Grèce. Jamais prince n’a moins mérité une fin tragique, car le roi Georges était personnellement simple et bon ; tous ceux qui l’ont connu en ont témoigné, et il avait rendu les plus grands services à son pays d’adoption. C’est à lui, pour une grande part, que la Grèce doit d’être devenue ce qu’elle est. Il l’a longtemps représentée auprès des cours étrangères, comme la Bulgarie l’a été par un autre prince non moins diplomate. Il plaidait sa cause avec autant de cœur que d’intelligence, et ce n’est pas sa faute si les résultats qu’il poursuivait n’ont pas été obtenus plus tôt : il a su attendre l’occasion favorable, il a eu le bon esprit de s’y préparer, et, quand elle est venue, il ne l’a pas laissée échapper. La tâche, en plus d’un cas, a été pour lui difficile. Ses sujets mêmes ne lui ont pas toujours rendu justice. Il a eu à traverser des momens douloureux. En fin de compte, sa persévérance a été récompensée : il est mort au milieu de son armée victorieuse, dans cette ville de Salonique qu’il avait conquise, qu’il ne voulait plus abandonner, et qu’il a arrosée de son sang. Avant tout peut-être, il a été un homme de bonne volonté et de grand bon sens. Les sympathies de l’Europe lui étaient acquises. Il avait notamment celles de la France, et nous avons toujours cru qu’il les lui rendait, La France aimait la Grèce, c’est chez elle une vieille tradition, mais elle aimait aussi son roi. Elle reporte aujourd’hui ses sentimens sur le jeune prince que la victoire a sacré et qui, nous l’espérons bien, en recueillant tout l’héritage de son père, aura pour principal souci de le continuer.

Au moment où le roi Georges est mort, l’armée hellénique venait de prendre Janina : elle avait accompli toute son œuvre militaire. Des trois villes qui résistaient encore aux alliés balkaniques au moment de la reprise des hostilités, il n’en est bientôt plus resté que deux entre les mains des armées ottomanes, Andrinople et Scutari. La première vient à son tour de succomber ; la seconde seule tient encore en