Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/720

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que dire du reste de la Déclaration ? Tous les hommes de sens rassis et de bon goût ont regretté d’y lire le passage qui se rapporte à la défense de l’école laïque. Vouloir nous faire croire, aujourd’hui, que l’école laïque est menacée et que les pouvoirs publics doivent voler à son secours avec tout un arsenal d’armes défensives, qui sont en réalité des armes agressives contre l’école libre, est une gageure difficile à soutenir. La Déclaration affirme la nécessité, l’urgence de « protéger les écoles publiques contre des outrages, des campagnes et des manœuvres qui deviennent de plus en plus intolérables. » » Voilà de bien gros mois. Que M. Barthou nous pardonne, si nous disons qu’il a cru ici devoir hurler avec les loups : peut-être y était-il obligé, et en ce cas, il faut l’en plaindre. Si l’école laïque était menacée, nous serions les premiers à la défendre, mais c’est là un danger illusoire qui ne deviendrait réel que le jour où, pour obéir à certaines suggestions, elle se mettrait elle-même en contradiction avec l’esprit des familles et cesserait de respecter leurs croyances. La défense laïque, l’impôt sur le revenu, dans les conditions où la Chambre l’a voté, sont les reliquats du passé radical ; le ministère aura quelque peine à les faire aboutir dans le peu de temps dont il dispose avant les élections ; il n’aura que celui de faire des manifestations à leur sujet, et peut-être la Chambre ne lui demandera-t-elle pas autre chose. Nous entrons dans l’année de la législature où la politique électorale passe au premier plan, et tout le monde sait que la politique électorale est la pire de toutes.

Puisse le ministère Barthou ne pas s’y inféoder. En attendant, il mérite qu’on lui fasse crédit. « Hommes de bonne foi et de bonne volonté, dit la Déclaration, nous avons, à une heure difficile, accepté le gouvernement moins comme un honneur que comme un devoir. » Il n’y a pas lieu de croire le contraire. L’heure est difficile en effet ; elle ne l’est pas seulement par suite des préoccupations qui nous viennent du dehors, elle l’est aussi par le fait de complications qui se multiplient au dedans. M. Barthou a voulu faire œuvre de conciliation, il n’y a pas réussi. Plusieurs radicaux-socialistes, dont il avait sollicité le concours, le lui ont refusé. Ceux qui le lui ont donné ont été reniés par leurs amis. Le parti ne veut pas seulement quelques portefeuilles, il les veut tous ; il revendique, à la veille des élections, la totalité du pouvoir. L’œuvre de pacification qui s’est faite dans le pays, et à laquelle M. Briand et M. Poincaré ont successivement attaché leurs noms, est l’objet de leurs colères et de leurs haines. C’est toute l’œuvre de ces dernières années qu’ils veulent détruire pour restaurer purement et