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opinions quand ils ne seront plus ministres, ou même s’ils se contentent de ne pas attaquer les successeurs qui les adopteront à leur tour. L’optique du gouvernement n’est pas la même que celle des partis ; elle vient de ce que le gouvernement tient compte d’autres nécessités que les partis ; il a le sentiment d’une responsabilité plus lourde et mieux éclairée.

N’est-ce pas ce qui arrive aux ministres actuels ? Quel qu’ait été le passé de quelques-uns d’entre eux, lorsqu’ils se trouvent aujourd’hui en présence des questions militaires, ils les envisagent de la même manière. Sur ce point de son programme, M. Barthou a été d’une fermeté et d’une énergie dont on ne saurait trop le féliciter. « Aucune préoccupation, a-t-il dit dans la Déclaration ministérielle, ne domine aux yeux du gouvernement la nécessité d’assurer la défense nationale par des mesures indispensables et urgentes. L’accroissement déjà acquis des forces militaires des autres peuples avait imposé au précédent Cabinet le devoir de vous soumettre un projet de loi portant à trois ans la durée du service égal pour tous. Ce devoir et ce projet, nous les faisons nôtres. Nous ne dissimulons pas la lourde charge qui en résultera pour le pays ; mais un tel sacrifice n’est au-dessus, ni de son patriotisme réfléchi, ni de sa volonté de vivre… La France républicaine a prouvé, au cours d’événemens récens, son attachement désintéressé à la paix du monde ; mais elle ne saurait, sans se trahir elle-même, renoncer aux efforts qui peuvent seuls maintenir la protection de sa liberté, de sa dignité et de sa sécurité. » On ne saurait mieux dire, ni s’engager plus à fond. Sur le principe du service de trois ans, le gouvernement sera donc irréductible : cela suffit pour que le parti radical-socialiste esquisse déjà une campagne en sens contraire. Au premier moment, le mouvement de l’opinion a été si vif en faveur du service de trois ans, son adhésion a été si ferme, sa résolution a été si décidée qu’à l’exception des socialistes unifiés, les radicaux-socialistes n’ont pas osé protester ; mais peu à peu ils ont repris de leur assurance et ils se sont encouragés les uns les autres à la résistance. Nous ne mettons pourtant pas en doute que le projet sera voté ; il suffira pour cela que le gouvernement mette la Chambre en face des responsabilités qu’il assume, mais dont une partie lui incombe à elle-même ; elle est patriote, elle ne reculera pas. Déjà, à la demande de M. Barthou, la Commission de l’armée a voté, par 20 voix contre 9, le principe de la loi : il est fâcheux seulement que la suite de l’affaire soit remise après les vacances.

Pour ce qui est de la question électorale, nous ne saurions en