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qu’il se trouvait au Nord de l’Amérique d’après la direction des méridiens magnétiques), il était par environ 70° de latitude Nord (c’est-à-dire à plus de 2 000 kilomètres du pôle géographique) et 98° de longitude Ouest de Greenwich. Lorsque Amundsen le redécouvrit en 1905 il s’était déplacé de plusieurs dizaines de kilomètres. On pouvait le prévoir a priori, car on a remarqué depuis longtemps qu’en chaque lieu la déclinaison varie d’une façon continue d’une année à l’autre. Par suite, la direction des méridiens magnétiques change continuellement, et la situation du point de convergence de ces méridiens, qui est le pôle magnétique, doit faire de même. Il en résulte que l’établissement des cartes magnétiques ne fournit pas comme celle des cartes géographiques des documens très longtemps utilisables. Il faut les recommencer sans cesse, après en avoir redéterminé les élémens par des expéditions souvent pénibles, et auxquelles la Carnegie Institution des États-Unis consacre actuellement une bonne partie de ses immenses ressources.

Pour donner une idée de ces déplacemens séculaires de la déclinaison, rappelons seulement qu’à Paris elle était en 1580 de 10° à l’Est, en 1664 elle était nulle et en 1809 de 22° à l’Ouest. Cette variation paraît obéir à une périodicité d’environ deux mille ans sur la cause de laquelle on n’est pas encore très bien fixé.

Nous en reparlerons prochainement à propos d’autres variations singulières que présente la boussole, et qui lui donnent chaque jour une très légère oscillation parallèle au mouvement du soleil, et aussi à propos de ces frémissemens parfois très intenses qu’elle éprouve lorsqu’il y a des aurores boréales, et qui coïncident d’une manière étonnante avec les perturbations de la surface solaire. Nous dirons comment la science explique aujourd’hui cette sympathie mystérieuse qui lie, comme je ne sais par quel fil invisible, les mouvemens de nos aiguilles aimantées à ceux qui, à 150 millions de kilomètres de nous, bouleversent les nuages ardens de la photosphère. Nous dirons aussi de quelle manière on a découvert récemment que les cyclones de l’atmosphère solaire se comportent comme de gigantesques aimans et comment ils modifient la nature même de la lumière de l’astre radieux.

Pour aujourd’hui, il nous suffira d’avoir indiqué pourquoi l’étude du magnétisme terrestre est puissamment liée aux recherches des explorateurs polaires, et pourquoi ceux-ci y ont puisé de nouvelles sources d’enthousiasme.