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méridien géographique, un certain angle qu’on appelle la déclinaison[1] qui à Paris est d’environ 15 degrés et telle que l’extrémité Nord de la boussole y est dirigée vers l’Ouest. Cela seul suffit à prouver que le pôle magnétique Nord de la terre ne coïncide pas avec le pôle géographique, mais se trouve à l’Ouest de celui-ci pour un observateur placé en France. Quant à l’inclinaison, elle est à Paris d’environ 65 degrés, c’est-à-dire qu’une aiguille aimantée librement suspendue y prend une direction beaucoup plus près de la verticale que de l’horizontale.

La boussole qui donne la direction du méridien magnétique ne permet donc à un voyageur de s’orienter à la surface de la terre qu’autant qu’il connaît la valeur de la déclinaison au lieu où il se trouve. Or celle-ci est extrêmement différente aux divers lieux du globe. Par exemple, tandis qu’elle est actuellement en France d’une quinzaine de degrés et occidentale, elle est presque nulle dans l’Est de l’Europe et orientale dans presque toute l’Asie (c’est-à-dire que l’extrémité Nord de la boussole y est tournée un peu vers l’Est). Dans l’Amérique du Nord elle est orientale à l’Ouest du pays, occidentale à l’Est, avec une ligne intermédiaire le long de laquelle la boussole est exactement dirigée du Sud au Nord.

Comme les navigateurs, les voyageurs de toutes sortes et les arpenteurs ne peuvent déterminer très fréquemment leur orientation par les observations astronomiques, soit à cause du mauvais état du ciel, soit à cause de la perte de temps que cela entraîne ou des instrumens encombrans que cela exige ; comme par suite la boussole est devenue leur auxiliaire indispensable, il a fallu, pour qu’on pût s’en servir partout, déterminer en tous les lieux du globe la valeur de la déclinaison. Et c’est ainsi que l’établissement des cartes magnétiques a été depuis longtemps une des œuvres les plus immédiatement utiles de la science, et que, par ricochet, il eut une grande influence sur les explorations polaires, car la découverte du pôle magnétique, du point où convergent tous les méridiens magnétiques et où l’aimant suspendu par son centre de gravité est exactement vertical, avait une importance bien faite pour stimuler les efforts.

Malheureusement, le pôle magnétique est loin d’être un point fixe comme l’expérience l’a démontré. Lorsque lord Ross le découvrit en 1833 dans l’archipel arctique américain (on avait pu prévoir d’avance

  1. C’est à Christophe Colomb que revient l’honneur d’avoir découvert, lors de son glorieux voyage, la déclinaison magnétique, et ses variations avec la latitude.