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arctiques organisées systématiquement en vue d’un but bien déterminé : les grandes nations maritimes cherchaient alors avec ardeur de nouvelles routes commerciales vers les Indes et l’Extrême-Orient, et on sait que c’est précisément cette recherche qui amena, contre toute attente, la découverte de l’Amérique par Colomb. Le même objectif devait avoir pour résultat les premières explorations du bassin polaire. On croyait en effet, sur la foi de vieilles cartes inexactes, qu’il serait assez aisé de parvenir avec des vaisseaux d’Europe en Extrême-Orient, en contournant par le Nord soit l’Asie, soit l’Amérique. En 1546, et dans l’intention de découvrir une route commerciale qui, par le Nord-Est, c’est-à-dire par-dessus l’Asie, allât aux Indes, et restât inconnue des nations rivales de l’Angleterre, le roi Henri VIII confia une mission à Sébastien Cabot. Celui-ci, qui avait acquis une grande renommée en découvrant quelques années avant la côte du Labrador, ne dirigea point lui-même l’expédition qu’il organisa et la confia à Willoughby.

C’est ainsi que fut cherché pour la première fois le célèbre passage du Nord-Est, qui ne devait être découvert définitivement que de nos jours par Nordenskjold. Willoughby échoua d’ailleurs lamentablement dans sa tentative et périt en Laponie.

Trente ans après, une nouvelle tentative, cette fois par le Nord-Ouest, est faite sur l’ordre de la reine Elisabeth par Martin Frobisher qui découvre l’entrée de la mer de Baffin. Le passage du Nord-Ouest ne devait être, lui aussi, découvert qu’il y a quelques années par Amundsen, dont c’est le premier titre de gloire et non le moindre.

Il est assez remarquable, on le constate immédiatement sur les cartes, que le passage du Nord-Est et celui du Nord-Ouest ont à peu près la même longueur pour un navigateur partant d’Europe. Le détroit de Behring, qui sépare l’Asie de l’Amérique et auquel aboutissent les deux passages, est en effet à peu près à 180° de longitude des côtes de la Norvège, c’est-à-dire qu’il est à peu près à l’autre extrémité d’un diamètre passant par le pôle et qui part de ce pays. A droite de ce diamètre, nous trouvons, en partant d’Europe, d’abord l’archipel du Spitzberg, puis ceux de la Nouvelle-Zemble et de la Terre François-Joseph, puis l’immense côte septentrionale de la Sibérie. A droite au contraire, et leur faisant face, nous trouvons d’abord la masse énorme du Groenland, puis, séparé de lui par ce vaste défilé marin, qui s’appelle successivement en allant vers le Nord : détroit de Davis, baie de Baffin et détroit de Smith, nous trouvons le vaste archipel qui s’étend au Nord de l’Amérique, dédale désolé d’îles et de