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nous permettra, pour la clarté de l’exposé, de rappeler quelques données indispensables sur la situation exacte et les abords des régions polaires.

La première chose qui frappe l’attention lorsqu’on examine la carte d’ensemble de la Terre est la prédominance des masses continentales dans l’hémisphère Nord et la haute latitude jusqu’à laquelle elles s’avancent dans cet hémisphère. Au contraire, dans l’hémisphère austral, les continens s’achèvent non loin de l’équateur en pointes effilées qui vont se perdre dans la masse énorme de l’Océan antarctique. Le continent africain, à son extrémité la plus méridionale, n’est qu’à 35 degrés à peine de l’équateur (c’est-à-dire un peu plus du tiers de la distance qui sépare celui-ci du pôle). C’est à peu près la latitude qu’a dans l’autre hémisphère le Sud-Algérien. La Tasmanie, qui peut être regardée comme le prolongement le plus méridional de l’ancien continent, ne s’avance qu’à moins de ii degrés de l’équateur (moins de la moitié de la distance de l’équateur au pôle, qui est, comme on sait, divisée en 90 degrés). Dans l’hémisphère Nord, Paris est déjà à une latitude de plusieurs degrés supérieure à celle-ci. L’Amérique du Sud enfin, qui de beaucoup a les prolongemens les plus méridionaux, s’avance, au cap Horn, jusqu’au 56e degré de latitude. Cela correspond à la latitude boréale d’Edimbourg et de Copenhague et est très inférieur à celle de Saint-Pétersbourg et d’une très grande partie de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Asie. Celle-ci en effet s’avance en Sibérie jusqu’à plus de 75 degrés vers le Nord.

Habitant des terres beaucoup plus voisines du pôle arctique que de l’autre, il était naturel que les hommes civilisés se préoccupassent davantage, et pendant longtemps, du premier que du second. C’est ce qui est arrivé, et nous voyons, dès le VIIIe siècle, les découvertes se succéder dans la calotte polaire arctique, tandis qu’on ne sut rien et ne chercha à rien savoir avant le XIXe siècle de ce qu’il y avait à l’autre extrémité du monde.

Dès le VIIIe siècle en effet, les navigateurs normands se lancèrent bravement vers le Nord, loin des côtes que les marins des autres nations ne pouvaient se résoudre à quitter, et découvraient l’Islande, puis le Groenland. Ils y découvrirent aussi les banquises, dont nous examinerons dans le cours de cette étude la curieuse formation et la nature ; et une vieille chronique normande du XIIIe siècle signalée par Nansen, le Kongespiel (le Miroir des Rois), renferme déjà une description fort exacte des splendides horreurs de l’immense nappe glacée du Nord.

Mais il faut arriver au XIVe siècle pour trouver les premières expéditions