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les deux points où l’axe instantané de rotation du globe coupe la surface terrestre.

Il n’y a pas encore bien longtemps, — car qu’est-ce que quelques siècles dans la vie d’une planète ? — on s’imaginait que l’axe terrestre était un objet réel sur lequel la terre était montée, à peu près comme le sont, sur la manivelle qui les fait marcher, les rôtissoires dans lesquelles les petits épiciers de Montrouge,... et d’ailleurs, torréfient leur café. L’aspect étrange que devait avoir la Terre au point où la traversait ce « grand essieu » a fait travailler jadis bien des imaginations, et nous trouvons encore des traces de cette préoccupation dans Cyrano de Bergerac. Depuis que l’on sait que l’axe de la Terre n’est qu’une ligne idéale et immatérielle, les pôles n’ont pas perdu pour cela de leur attrait scientifique, le lieu qu’ils marquent n’en est pas moins plein de singularités. Au pôle, par exemple, il n’y a pas d’heure, ou plutôt il est midi toute la journée, puisque tous les méridiens convergent en ce point et, de quelque côté qu’il soit, le Soleil est toujours au méridien. Aussi la difficulté de régler leur montre a dû être une des plus remarquables qu’aient rencontrées ceux qui ont atteint les pôles. Autre chose et qui provient de la même cause : il. n’y a pas là-bas de points cardinaux. Dans toutes les directions, Amundsen ne voyait que le septentrion, et s’il a eu le loisir de s’abandonner en un tel lieu aux réminiscences, il a pu s’écrier en toute vérité, et de quelque côté qu’il regardât le ciel : « C’est du Nord aujourd’hui que nous vient la lumière. »

Mais ce sont là de petites curiosités, qu’il n’était point besoin d’aller vérifier par des explorations périlleuses, car n’importe quel astronome eût pu les annoncer à coup sûr du fond de son cabinet. Aussi bien sont-ce d’autres problèmes, et moins faciles à résoudre au coin du feu, qui ont stimulé l’audace des explorateurs polaires, et leur ont permis de faire œuvre utile pour la science.



L’ORIGINE ET LES PREMIERES PHASES DES EXPLORATIONS POLAIRES

L’histoire des expéditions polaires nous enseigne que, par un contraste étrange, elles ont reçu d’abord leur impulsion uniquement de considérations politiques et commerciales, tandis que si on envisage leurs résultats, d’ailleurs si importans pour le savoir, il n’est sans doute guère d’entreprises qui aient été aussi peu fructueuses qu’elles, au point de vue strictement utilitaire et pratique.

Mais avant de jeter un coup d’œil d’ensemble sur cette histoire, on