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Pas du tout ! répliquent les défenseurs des spirites ; le médium ne le sait pas. Mme Piper n’était pas au courant des souvenirs qu’avaient ensemble William James et le docteur Hodgson. Puisqu’on l’affirme, soyons-en sûrs ! Mais, sans mettre en doute la bonne foi du médium et la sincérité (indiscutable) des expérimentateurs, observons avec M. Maurice Maeterlinck que les révélations de Mme Piper, touchant le docteur Hodgson, s’expliqueraient le mieux du monde, sans nulle intervention de feu Hodgson, par les phénomènes de la télépathie : Mme Piper ne lisait-elle pas, à distance, la pensée de William James ?...

Or, les phénomènes de la télépathie, dont l’étude est commencée à peine, ont beaucoup d’intérêt ; et ils renouvelleront peut-être la psychologie. D’auteurs je n’en sais rien. Mais ils n’ont rien à faire avec la théorie des revenans et ils ne nous renseignent aucunement sur la vie d’outre-tombe.

En définitive, accordons à M. Maeterlinck qu’on aurait tort de rejeter, dès à présent, le spiritisme, une science qui prélude, « science née d’hier et qui cherche à tâtons ses outils, ses sentiers, ses méthodes et son but dans une nuit plus obscure que celle de la terre... » ; et « ce n’est pas en trente ans que se bâtit le pont le plus hardi qu’on ait entrepris de jeter sur le fleuve de la mort. » Certes !... Mais aussi, les conclusions hâtives des spirites, ne les adoptons pas ; et n’allons pas changer notre idée de la mort pour une science si petite encore et misérable.

M. Maeterlinck lui-même ne le fait pas. Le spiritisme, qui l’a tenté, l’a déçu. Il ne lui marque pas de rancune ; seulement, il se passe de lui. Que reste-t-il donc à M. Maeterlinck ? Le spiritisme était, appliqué au problème de la mort, la méthode expérimentale. Ainsi, la méthode expérimentale, quant à présent, n’a rien donné. Il reste la méditation.

Il reste la philosophie. Mais, si nous mettons notre espoir dans la philosophie, c’est que nous comptons sur le valable effort de la raison. Or, M. Maeterlinck n’est pas un rationaliste. Il y a, dans toute son œuvre, et notamment au cours de ce traité de La mort, les plus vives négations du rationalisme. L’auteur de La mort signale, à plusieurs reprises, l’infirmité de notre intelligence ; il affirme l’immensité, non seulement de l’inconnu, mais de l’inconnaissable, et il nous conseille d’acquérir peu à peu l’habitude de ne rien comprendre.

N’est-ce pas, d’un autre style, le commandement terrible de Pascal : « Abêtissez-vous ! » et n’est-ce pas, aux fins de nier les puissances de la dialectique, la même dialectique ?

Mais Pascal, ayant dénigré la raison, ne recourt plus à elle. Voire,